• Voici de quoi remplir quelques heures de détente. La série des Gabriel Joly est une suite de trois romans policiers dont l’action se déroule dans le Paris des débuts de la Révolution pendant les quelques jours précédent la prise de la Bastille et peu après la nuit du 4 Août 1789.

    L’auteur Henri Loevenbruck est une sorte de touche à tout qui outre l’écriture allant du roman fantastique au livre orienté, est aussi chanteur et compositeur.

    Dans l’ordre de leur parution, Le loup des Cordeliers, Le Mystère de la main rouge et cette année L’assassin de la rue Voltaire, nous suivons les aventures du journaliste-imprimeur Gabriel Joly et de ses amis Danton, Théroigne de Méricourt et du pirate Recif ainsi que Camille Desmoulins enquêtant sur des meurtres commis pendant les événements qui secouent la capitale et avant coureur des excès sanguinaires des années suivantes.

    Loevenbruck a sans aucun doute un talent de conteur et sait nous tenir en haleine tout au long de chacun des trois romans. De là comme certains critiques à le comparer à Alexandre Dumas, il ne faut pas exagérer. Ce qui fait l’originalité de Dumas dans ses romans c’est cette capacité à faire du lecteur le complice de l’auteur. Dumas fait du lecteur son confident, son compagnon de route. Le style « Dumas » est inimitable, heureusement ! C’est ce qui en fait tout le charme.

    Loevenbruck se rapproche plutôt de la façon de raconter une histoire comme le fit Jean-François Parot dans sa série des Nicolas Le FLoch. Mais là encore il lui manque ce style linguistique que seule les générations adultes d’avant 1968 pouvaient avoir grâce à un enseignement littéraire autrement plus riche que celui qui suivit les événements de Mai et dont aujourd’hui on paie la facture avec une jeunesse incapable de s’exprimer dans un français de qualité sinon en raccourcis SMS et franglais à outrance. Monsieur Loevenbruck né en 1972 est une des victimes de la dégringolade de la culture de ce pays et on ne peut pas lui en vouloir. On ne trouve pas dans son récit le style du parler du XVIIIe siècle finissant comme savait si bien le faire Parot dans ses romans.

    Mais cela n’ôte en rien l’intérêt de ces trois ouvrages et tout particulièrement celui du dernier publié, construit comme une véritable tragédie classique respectant presque totalement la règle des trois unités :

    Unité de temps sur quasiment 24 heures pour les trois quarts de l’intrigue,

    Unité de lieu : celle-ci se déroulant en majeure partie dans la nouvelle salle de la Comédie Française qui deviendra l’Odéon,

    Unité d’action : comment Gabriel réussira-t-il à démasquer l’assassin des comédiens et employés du théâtre ?

    L’auteur nous fait parcourir tous les recoins du théâtre, plusieurs plans permettent au lecteur de se retrouver dans ce dédale de couloirs et pièces, sur le plan historique les livres sont fort bien documentés et la plupart des protagonistes majeurs des trois livres sont des personnages réels. L’auteur prend d’ailleurs le soin de signaler ceux des personnages clés qui sont issus de son imagination.

    En conclusion une lecture très agréable et distrayante qui prend en quelque sorte la relève de celle des Nicolas Le Floch de Jean-François Parot venue à son terme du fait de la disparition de son auteur en 2018. Peut-être que ce dernier à suggéré à à Henri Loevenbruck l’idée de reprendre le flambeau par delà la tombe…A suivre !


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    "Vous contribuez aujourd’hui au débat grâce aux commentaires que vous déposez sur le site du Figaro et nous vous en remercions. Nous avons choisi de réserver ce privilège uniquement à nos abonnés, le changement sera effectif d’ici quelques jours."

    Bravo pour des journalistes si chatouilleux sur la liberté d'expression. Maintenant il faut que nous lecteurs payons pour avoir le droit de donner notre avis, critiquer souvent les âneries qui sont débités par les journalistes toute presses confondues, qui se croient des experts et souvent n'ont jamais mis les pieds dans une entreprise ou comme on dit mis les mains dans le cambouis.

    Ne comptez pas sur moi pour payer même 1 centime pour pouvoir m'exprimer à propos de vos articles. Je ne savais pas qu'exprimer une opinion était un "privilège"!

    A l'évidence vous avez enterré la devise du FIGARO: "Sans la LIBERTE de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur"( 27 avril 1784) ; 5 ans plus tard faut-il vous rafraîchir la mémoire, une certaine révolution française abolissait les privilèges!

    Vous avez décidément la mémoire soit déficiente, soit courte, soit fitrante! Choisissez; pour ce qui me concerne le choix est désormais fait.

    CR


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  • Je viens de recevoir et de regarder le concert d'adieux de Bernard Haitink donné au Festival de Salzbourg 2019. Deux œuvres au programme le concerto n°4 en sol majeur de Beethoven avec Emanuel Ax au piano, la 7e de Bruckner en mi major. L'orchestre Philharmonique de Vienne.

    Depuis l'enregistrement de ce concerto par Solomon Cutner qu'on appelait tout simplement Solomon, je n'ai jamais entendu une version de ce concerto de Beethoven qui m'ait convaincu jusqu'au bout. Je me souviens d'avoir acheté je crois à Torquay dans le Devon, le microsillon paru à l'époque chez EMI en 1957. La carrière de ce très grand pianiste s'était arrêtée brutalement l'année précédente des suites d'un AVC dont il demeura jusqu'à la fin de sa vie en 1988 paralysé. Il était entrain d'enregistrer l'intégrale des sonates de Beethoven. Une perte immense pour la musique, d'un digne successeur d'Arthur Schnabel. On trouve aujourd'hui sur YouTube mais bien entendu aussi en cd la plupart de ses enregistrements, dont l'intégrale des concerti du maître de Bonn, mais aussi Grieg, Schumann, le second de Brahms, quelques sonates et d'autres joyaux.

    Avec Ax enfin je retrouve la même émotion en écoutant ce concerto n°4 mon préféré sans contexte parmi les 5. Ax comme Solomon donne sous la direction de Haitink et avec l'orchestre de Vienne, une interprétation toute en finesse; pas de virtuosité pour faire de l’esbroufe, même les passages virtuoses et dieu sait que dans le premier et dernier mouvement il n'en manque pas, c'est de la virtuosité réfléchie, comme on dit au théâtre il ne surjoue jamais. Le second mouvement je le connais par cœur et pour cause, j'ai eu l'arrogance de le travailler avec mon premier prof de piano Bruno Bahurel. C'était au temps où je travaillais mon instrument parce qu'entre autres mon prof savait me motiver et était un excellent pédagogue, il est hélas mort du sida bien trop jeune. Ce second mouvement a ceci de particulier que l'on peut jouer aussi bien la partie d'orchestre que soliste en entier car à quelques notes près orchestre et piano ne jouent jamais en même temps. Ax en donne une interprétation toute en nuances sans pathos, sans effet de manches.

    Si je devais faire une critique à l'ensemble de cette interprétation ce serait sur le tempo général, mais elle est générale quelque soit le pianiste, le chef, l'orchestre; on joue cette œuvre un tantinet trop vite. Pour ce qui est de Ax il y a une chose qu'il n'a pas réussi à faire et il n'est pas le seul. Vers la fin lors de la reprise du thème du 3e mouvement, il y a trois ou quatre mesures du clavier que Solomon réussissait à merveille donnant l'impression à l'auditeur, qu'il y avait non pas un mais deux pianos décalés d'une demi seconde comme se répondant en écho. C'était magique. Haitink dirige comme toujours sans se contorsionner comme la plupart des chefs actuels, pas de grimaces, pas de regards vers les caméras, histoire de dire vous voyez je suis là, c'est moi qui mène la danse. Ax lui non plus, il regarde son clavier quasiment impassible si ce n'est un léger sourire quand certains passages doivent correspondre exactement à ce qu'il voulait faire et regarde de temps en temps l'orchestre comme pour dialoguer avec les musiciens doublant ainsi la conversation du piano et de l'orchestre. Combien de solistes prétentieux jeunes ou moins jeunes aujourd'hui pourraient apprendre de ces deux grands du piano et de la direction d'orchestre; Haitink et Ax ont donné il y a quelques années aux Proms les deux concerti de Brahms, ils sont sauf erreur toujours en ligne sur YouTube, là c'est Backhaus que Ax égale dans le numéro 2.

    Seconde partie du concert de ce soir de 2019, la 7e de Bruckner. L'orchestre est maintenant au grand complet. Haitink toujours sobre, toujours concentré, à la gestuelle minimaliste, au regard perçant, pas de partition devant lui sinon une fermée sans doute celle de l’œuvre précédente. Sonorités somptueuses du Wiener Philharmoniker, à la fin du second mouvement si ma mémoire est bonne, Haitink envoie un rapide baiser aux musiciens! C'est touchant! Il dirige encore debout s'asseyant de temps en temps pour quelques secondes. Tout est parfait et tant pis pour mes voisins, mais j'ai mis le volume suffisamment haut pour avoir vraiment les sensations de la salle. Avec ses 2m40 de diagonale mon écran enveloppe pratiquement tout mon champ de vision dans le noir.

    A la fin du concert les 2079 spectateurs de la grande salle sont debout applaudissant à tout rompre même lorsque l'orchestre et son chef ont déjà quitté le plateau. Haitink sort visiblement épuisé au bras je suppose de sa fille. C'est son avant dernier concert, il dirigera le 6 septembre de la même année le même programme au Festival de Lucerne.

    Deux immenses orchestres pour deux immenses interprètes. La France toujours généreuse l'a décoré Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres, que voulez vous Haitink n'est pas footballeur alors la légion d'honneur, n'est ce pas ce n'est pas de son niveau....

    Ne cherchez pas à trouver sur YouTube ce concert ou celui de Lucerne les parasites d'imprésario et de maison de disques font ce qu'il faut pour empêcher le plus grand nombre et surtout ceux qui ne peuvent pas payer les prix himalayens de Salzbourg voire même un blu ray et son lecteur, de jouir de ce moment d'exception. Je ne sais pas si Arte diffusa le concert en direct à l'époque et puis comme vous le savez pour nos chaînes nationales l'heure de la culture commence autour de 1 ou 2h du matin, avant y a Ardisson ou Naguy, c'est plus cool!

     

     


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  • Encore un Dumas! Eh oui! Dumas, ce sont 140 romans et contes mais aussi et d’abord plus de 100 pièces de théâtre écrites dès l’âge de 20 ans jusqu’à sa mort en 1870 ! Je sais il a fait appel à ce que l’on appelle « nègres » mot devenu pour certains une connotation raciste, il faut bien que certains justifient leur présence dans le monde de la soit disant protection de la langue française et du bien pensant libertaire et égalitaire que très souvent ils sont les premiers à enfreindre allègrement ; remarquez ensuite on va à confesse et on est absout et tout va bien dans le meilleur des mondes pour pouvoir recommencer. Enfin n’en parlons plus, on va encore me traiter de mauvaise langue et de mauvais esprit ! Ce texte n’est pas là pour philosopher sur le comportement et la morale humaine tant mise à mal depuis la nuit des temps !

    Dumas Père a publié Ma Jeunesse (1833) , Comment je devins auteur dramatique (1833), Mes Mémoires (1852-1854), et Souvenirs de 1830 à 1842, 1854-1855, réédités en 2013 sous le titre « Souvenirs dramatiques » avec une préface de Pierre-Louis Rey chez Maisonneuve et Larose.

    C’est de ce dernier livre dont il s’agit ici. En quelques 300 pages le grand auteur conclue bien avant sa disparition l’histoire de sa vie, enfin presque. Car en réalité pour une grande part du récit, il s’agit d’une analyse de l’histoire du théâtre, de celles des œuvres de Shakespeare, de la façon dont les gouvernants de l’époque soutiennent ou non l’activité théâtrale et contribue à son développement et à l’enrichissement ou non de notre patrimoine culturel.

    Mais il y a évidemment les souvenirs personnels, quelques règlements de comptes, mais aussi des témoignages de l’admiration qu’il porte à des auteurs contemporains comme celui porté à Georges Sand après l’adaptation à la scène de « Mauprat » roman publié en 1837 et joué en 1853 à l’Odéon. Quel plus bel éloge que ceci :

    « …C’est [George Sand] la princesse des mille et une nuit, dont les paroles étaient rares, mais qui laissait tomber une perle avec chacune de ses paroles ».

    Il conclu ainsi l’avant dernier chapitre de ses souvenirs où analysant la pièce et critiquant non pas l’ouvrage mais d'une manière générale  l’adaptation à la scène d’un grand roman historique du point de vue du risque que les interprètes prennent à ne pas pouvoir vraiment incarner toutes les facettes tant physiques que psychologiques des personnages développés dans le roman original.

    A ce propos Dumas compare sa façon de créer un roman à celle de George Sand. Lui a dans la tête la totalité du roman bien avant de prendre la plume tandis que la grande romancière lui donne naissance au fur et à mesure de la survenance des idées tout en écrivant.

    Nous comprenons alors pourquoi le style de Dumas dans ses romans est si vivant ; il les a conçu dans sa tête comme une œuvre à mettre en scène.

    Une telle déclaration devrait mettre un terme aux critiques faites à Dumas de s’être servi de tiers pour écrire les œuvres majeures de sa bibliographie. Maquet et d’autres furent des chercheurs, des bibliothécaires chargés de réunir les documents indispensables à l’écriture de l’ouvrage. C’est vrai que souvent il ne les cite pas et qu'aujourd’hui où les génériques de films et de productions télévisées vont jusqu’à citer le nom du chauffeur de taxi ayant conduit au studio Madame Une Telle, Dumas aurait fort à faire avec leurs avocats! Il parait que le chauffeur a un rôle de créateur dans l’œuvre !

    « Les souvenirs dramatiques » transpirent si je puis dire le style du maître des Trois mousquetaires et du Vicomte de Bragelonne mais aussi du grand auteur dramatique souvent négligé comme le disait lors d’une conférence Jacques Sereys, sociétaire honoraire de la Comédie Française de la grande époque.

    On trouve dans les quelques 100 pages du tome 1 (les souvenirs furent publiés en deux tomes à l’origine et le livre est ici un quasi fac-simile de l’édition originale), intitulé avec un clin d’œil par Dumas « Mon odyssée à la Comédie Française », toute la verve mais aussi son talent de dialoguiste voire de metteur en scène.

    Il faut lire le long et désopilant passage où l’auteur reçoit Mlle Mars la grande prêtresse du théâtre Français, venu s’entretenir avec l’auteur de la future production de « Christine ». Il a 28 ans et se présente pour la seconde fois au redoutable comité de lecture qui a reçu la pièce après un épisode rocambolesque qui faillit bien déjà la faire rejeter avant que la diva âgée de 59 ans ne soit choisie pour ne pas dire qu’elle s’imposât au choix de Dumas pour interpréter le rôle titre. Le hic c’est que la comédienne venant visiter l’auteur pour parler de la pièce et de la distribution, ne s’attendait pas à voir un « gamin de 28 ans » lui tenir tête ! Crime de Lèse Majesté que Dumas paiera intérêt et capital. En pleine répétitions la tigresse tombera comme par hasard malade et les répétitions suspendues à répétition si l’on m’autorise le jeu de mot, feront que la pièce passera à l’Odéon où la grande rivale de la comédienne, Mlle George sera l’interprète de la création qui obtiendra un grand succès. Tout cela pourquoi ? Parce que notre auteur refusa de couper 20 vers qui ne plaisaient pas à Mademoiselle et qu’il avait maintenu dans un des rôles un des acteurs qui n’avait pas la faveur de son Altesse. Cela n’a pas dû changer aujourd’hui ne nous faisons pas trop d’illusions. En tous cas Dumas nous gratifie d’un compte rendu savoureux, répliques après répliques. Il fera de même plus tard quand la même comédienne viendra tenter de le fléchir pour la distribution de « Mademoiselle de Belle-Isle ». Là elle fait quand même profil bas, elle a 62 ans et ses «camarades» voudraient bien la pousser dehors! Ils y arriveront plus facilement semble-t-il que lors de la mise à la retraite de Jean Yonnel qui jouera plus de 120 fois Don Diègue jusqu’à son 72ième anniversaire en 1963 !

    Voici donc un livre qui met un point final 15 ans avant sa disparition, aux souvenirs d’une vie d’une richesse sans précédent d’un auteur qui reste encore aujourd’hui en quelque sorte le Molière du roman.


    C’est passionnant, c’est drôle à plusieurs endroits, c’est Dumas !


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  • En musique il est des biographies qui se détachent du lot : celle des Massin pour Mozart ou celle de Henri Louis de Lagrange pour Malher pour ne citer que les plus célèbres du XXe siècle. Dans la plupart des cas leur principal défaut est de s’adresser non pas seulement à des mélomanes mais à des mélomanes doués d’une connaissance relativement approfondie de la composition musicale orchestrale ou non.

    En dehors de la vie du compositeur, les auteurs s’attachent à faire une analyse détaillée, quasiment mesure par mesure de l’œuvre ; ces ouvrages peuvent passionner les spécialistes, les professeurs de conservatoires voire si ça les intéresse les interprètes eux-mêmes.

    Je dois dire que de ce point de vue je reste assez sceptique après l’expérience vécue dans la années 70 lorsqu’au cours d’un diner Daniel Barenboïm me regarda interloqué et sceptique quand je lui affirmais que sans Berlioz et Liszt, Wagner n’aurait pas pu faire évoluer l’écriture symphonique de ses opéras dans le sens qu’il prit. Plus récemment c’est avec plaisir que découvrant une répétition du Roméo et Juliette de Berlioz dirigée par Léonard Bernstein, ce dernier faisait remarquer aux musiciens que la scène du balcon était une annonce du dodécaphonisme, Berlioz utilisant les 12 tons pour figurer la passion de Roméo annonçant en quelque sorte le dodécaphonisme des débuts du XXe siècle.

    Ce préambule pour dire que la biographie de Verdi de Pierre Milza parue aux Editions Perrin en 2001 se démarque totalement de ce style professoral :

    « Verdi et son Temps » nous permet en 500 pages de comprendre sans étaler un scientisme quelconque, la façon dont sont nés les 28 opéras sous la plume du grand compositeur et dramaturge.

    Le ton est donné dès les premières pages par l’auteur qui décide de s’intéresser à l’évolution de l’évolution de l’œuvre de Verdi parallèlement à l’évolution historique de l’Italie du Risorgimento et des événements marquant de l’histoire européenne de la seconde moitié du XIXe.

    Cela donne un livre passionnant où l’on comprend le choix des sujets traités par l’enfant de la ville de Busseto et son implication dans la vie politique italienne relativement réduite - il ne voulait pas et refusa dans la quasi-totalité des cas de se mêler ou de participer à la vie politique italienne - mais tout de même déterminante en ce qui concerne la mise à la porte des Autrichiens dans les années 1850.

    Visconti a immortalisé dans son chef d’œuvre « Senso » l’impact que pouvait avoir une représentation d’un opéra de Verdi de cette période – opéra patriotique comme le qualifie Milza –déchaînant le délire du public malgré la présence dans la salle des « officiers en blanc ». La censure autrichienne veillait au grain aussi bien que le pouvoir ecclésiastique sachant que Verdi était un anticlérical de première grandeur.

    Contrairement à l’impression négative qui ressort de l’autobiographie et de toutes celles écrites sur Wagner et son œuvre, Verdi en dépit de nombreux défauts apparaît comme un homme humain, généreux, homme d’affaires certes mais avec de sérieux et justifiés mobiles. Il n’oubliera jamais ce qu’il appelle ses « années de galère », composant en moins de 10 ans presque la moitié de la totalité de son œuvre lyrique pour subvenir aux besoins de sa famille, n’ayant pas oublié son enfance dans un milieu loin d’être fortuné. Sans les dettes de son père aubergiste et de sa mère fileuse il n’aurait pas commencé des études musicales conseillé en cela par un distillateur de Busseto qui jusqu’à sa mort sera l’un des rares à avoir accès au domaine de Sant’ Agatha et aura la reconnaissance de Verdi à qui il permit ainsi de devenir l’un des compositeurs majeurs de l’histoire de la musique et de l’opéra.

    Milza nous fait suivre en parallèle les actions de Cavour et de Garibaldi en faveur du Risorgimento avec le soutien  «lyrique » du compositeur ; ce sont les trois personnages clés de l’époque.

    Homme d’affaires mais aussi homme exigeant en ce qui concerne le respect non seulement de ses droits d’auteur, mais en tant que créateur ; il supervisait de bout en bout la création et les reprises de ses opéras non seulement par le choix et la qualité des chanteurs, mais la mise en scène, les décors et les costumes et ne tolérait pas la moindre incartade ou négligence sur l’un de ces points ; l’arrogance d’un musicien de l’Opéra de Paris, «La grande Boutique» comme il l’appelle lui fit claquer la porte en pleine répétition des Vêpres Siciliennes, la façon dont Maurel se permit de faire des coupures dans Otello pour adapter à ses déficiences vocales la partition, entraina des poursuites de Verdi pour retirer l’œuvre de la scène de l’Opéra Comique sans succès hélas. Verdi serait horrifié aujourd’hui face aux horreurs que les metteurs en scène, directeurs d’opéras et interprètes on l’arrogance de monter sur les grandes et petites scènes lyriques du monde.

    Comme l’explique Milza nous ne savons pas grand-chose de la vie privée du compositeur, particulièrement jaloux de préserver son intimité. Cependant le rôle important que joua Giuseppina Strepponi la grande diva de l’époque, sur la vie et même la poursuite de la carrière de Verdi lors de longues périodes de découragement, nous est rendu grâce aux correspondances de cette dernière avec des proches du compositeur ; sans sa détermination, celle de Boito avec qui les premiers contacts furent pour le moins houleux et presque violents, ainsi que celui de Giulio Ricordi son éditeur Milanais, Otello et Falstaff n’auraient sans doute pas vu le jour.

    Verdi apparaît aussi comme le grand propriétaire terrien, n’hésitant pas à manier la truelle et la faux , soucieux d’aider ceux de ses concitoyens dans le besoins pendant les années noires que traversa l’Italie au plan économique suite de l’unification et de la disparition des frontières et droits de douanes intérieurs en particulier dans le domaine agricole. Devenu riche il mit sans hésiter la main au portefeuille pour aider ses contemporains dans le besoin, créant entre autres une maison de retraite pour les artistes dans le besoin.

    En une phrase cette biographie est passionnante et tout amateur de lyrique se doit de l’avoir lu tout en réécoutant ou en revoyant dans l’ordre chronologique ces superbes partitions.


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