• Alain Faure, « Champollion, le savant déchiffreur » (editions Fayard)

    2022 marque l’année du bicentenaire du déchiffrement des Hiéroglyphes par Jean-François Champollion, le 14 septembre 1822. On reste confondu de voir qu’une exposition à ce génie fondateur de l’Egyptologie ne se soit tenue qu’entre le 12 avril et le 24 Juillet 2022 à la BNF. A peine trois mois et demi. Il en est de même dans différentes villes de province y compris dans sa ville natale. Décidément le déchiffreur des hiéroglyphes n’a pas l’aura de ses compatriotes footballeurs en ce XXIe siècle !

    Heureusement il existe un certain nombre d’ouvrages permettant de connaitre ce personnage hors du commun mort trop jeune à 42 ans.

    L’ouvrage qui est considéré comme le plus fouillé à ce jour, primé par l’Académie Française en 2005, est celui de Alain Faure natif et résident permanent de Vif où le frère du grand savant avait la maison familiale apportée dans sa corbeille de mariée par son épouse Zoé Berriat en 1807. Monsieur Faure a consacré sa vie à l’histoire de sa région et du Dauphiné et ne pouvait pas bien entendu ne pas s’intéresser au célèbre savant qui séjourna plusieurs fois dans cette petite commune de un peu plus de 2000 habitants à l’époque de l’arrivée de l’Egyptologue et de la famille de son frère. On lira sur wikipedia un article très fouillé sur l’histoire de cette commune particulièrement riche. La télévision consacra sur Arte une émission qui sera rediffusée le 2 décembre prochain et la chaine HistoireTV au travers de l’excellente émission Historiquement show commenta le livre de Claudine Le Tourneur d’Ison « Champollion. Le Dernier voyage » (Les éditions du Cerf) que j’ai commenté ici même.

    A la veille du bicentenaire en 2020 les éditions Fayard ont réédité le livre de Alain Faure, « Champollion, le savant déchiffreur », un nouveau tirage a été réalisé en Mai dernier.

    En près de 800 pages l’auteur parcourt la vie de Champollion « le jeune » en parallèle à celle de son frère Champollion-Figeac qui ne peuvent être dissociées l’une de l’autre, le frère ainé ayant soutenu, aidé l’homme de science à tenir tête à ses nombreux détracteurs aussi bien concitoyens qu’étrangers.

    Ce livre se compose de deux grandes parties, 11 chapitres consacrés aux frères Champollion champions du libéralisme de la fin de la fin des cents jours à la deuxième restauration et leur exil à Figeac, 9 chapitres consacrés au Champollion l’Egyptien tour à tour déchiffreur, conservateur du Musée Charles X aujourd’hui Musée du Louvre, enfin Champollion sur le terrain remontant le Nil jusqu’à le deuxième cataracte en Nubie à la tête d’une mission FrancoToscane que le gouvernement Français refusa de cofinancer officiellement.

    Ouvrage fouillé à l’extrême, la première partie comporte pas loin de 400 pages et a elle seule aurait pu et dû faire l’objet d’un tome seul. On peut comprendre aisément le souci du détail de l’auteur sur cette période qui touche l’histoire de sa région, il fit ses études à Grenoble, le frère ainé de l’épouse de Champollion Figeac, Hugues Berriat fut maire de cette ville et un cours porte son nom. La famille Berriat fut constamment mêlée à l’histoire politique de la région.

    Il aurait été judicieux de ne consacrer que la seconde partie à la période où Champollion passionné par son sujet depuis l’âge de 9 ans se mit à l’ouvrage pour tenter de découvrir comme tant d’autres chercheurs cette mystérieuse écriture qui n’a sans doute pas encore révélé tous ses secrets. Mais sans le travail acharné de Champollion « le jeune » on ne serait pas en mesure aujourd’hui de traduire les écrits des scribes et des sculpteurs qui couvrent temples et murs des tombeaux magnifiques de la vallée des rois.

    Faure reproche en douceur l’orgueil du déchiffreur, mais dans le fond n’avait-il pas raison d’être fier devant l’acharnement de haine dont il fut la victime aussi bien de la part de « civils » que de l’Eglise Catholique grande spécialiste des retards à répétition dont elle est la responsable au cours des millénaires en matière scientifique. Les deux restaurations n’ont pas mis un terme à ces esprits rétrogrades tous férus de dogmes et d’infaillibilité. Cela obligeât Champollion à taire certaines de ses découvertes après son voyage en Egypte de 1829-1830, remettant en cause les affirmations bibliques en matière historique. On ne peut que comprendre son anticléricalisme qu’à la fin il mit en sourdine pour avoir la paix. Cela n’empêchât pas le déchiffreur de se moquer comme il savait le faire de l’archevêque de Jérusalem qui voulait lui attribuer ainsi qu’à Rosellini son ami et coéquipier du voyage, la croix de chevalier du Saint Sépulcre moyennant finances bien entendu. Le texte savoureux mérite d’être cité ici :

    « …Je trouve que sa Grandeur vend son beurre trop cher, et, quelle que soit mon envie d’entrer en ligne et d’empoigner la lance de chevalier pour combattre les infidèles et faire triompher la sainte Sion, je dois renoncer à cet honneur et me contenter de celui d’en avoir été cru digne. Vendre trois pouces de ruban cent louis ! Ah ! Monseigneur, la soie est donc bien chère in partibus infidelium ? La lettre justifie l’impôt sur les besoins extrêmes de la Terre Sainte. On devrait savoir aux bords du torrent de Cédron, que les érudits d’Europe ne sont pas des Crésus, et que la roue de la fortune penche aujourd’hui du coté des industriels y compris les chimistes et les mathématiciens. Qu’on leur envoie donc le ruban : c’est à eux seuls de supporter les charges du siècle !... » (source : livre cité page 698).

    Champollion était connu pour sa rigueur, sa force de travail, son refus quasi maladif de la compromission ( j’en connais un autre et qui en est tout aussi fier!) et sa façon vigoureuse de remettre à leur place ses opposants preuves à l’appuie.

    Alain Faure montre parfaitement et objectivement le soutien et les apports de Champollion-Figeac à l’œuvre et la vie de son frère cadet même si le personnage en soi n’est pas toujours très sympathique et commis quelques indélicatesses qui faillirent le faire poursuivre au pénal.

    Lire le livre comme un roman selon la quatrième de couverture me parait quelque peu exagéré, mais c’est un livre qu’il convient de lire sans la moindre réserve tant le personnage est fascinant et sa quête passionnante.

     

     

     

     

     

     


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