• La saga des Bernie Gunther de Philip Kerr

    Je suis entrain de lire la totalité des 13 volumes de ce remarquable survol de l'histoire de l'Allemagne des années sombres.

    J'ai commenté ici les trois premiers tomes "Berlin noir".

    Le tome 9 ,"A man without Breath" (Les Ombres de Katyn, Masque, 2015  traduction de Philippe Bonnet) nous emmène près de la ville de Smolensk, sur le sinistre lieu du massacre de près de 20000 officiers d'active et de réserve polonais, dans la forêt de Katyn et ses environs. Sur le seul site de Katyn lui même près de 4500 corps furent découverts par les Allemands en 1941. J'ai commenté ici l'autobiographie de Von Gersdorff qui fit partie de l'équipe qui participa à la macabre découverte et tenta d'assassiner Hitler en 1943.

    Ce qui frappe c'est le sérieux avec lequel Philip Kerr s'est documenté sur cette période; j'ai un point de comparaison avec les ouvrages parus sur le sujet des William Shirer, Anthony Beevor voire des autobiographies de certains des participants à cette sinistre période tant du coté allié que Allemand.

    On lira avec intérêt l'article consacré à cet événement sur Wikipédia. La Russie a attendu 1990 pour reconnaître son entière responsabilité du massacre. Roosevelt refusa de publier un rapport concernant le massacre fait par le capitaine George Earle, son envoyé spécial dans les Balkans, afin de compiler les informations sur ce dossier. Earle utilisa ses contacts en Bulgarie et en Roumanie et conclut que le coupable était l’Union soviétique. Le président en rejeta les conclusions et ordonna la destruction du rapport. Quand Earle insista pour le publier, le président lui intima par écrit l’ordre de ne pas le faire, puis l’affecta aux îles Samoa. Roosevelt déclara solennellement que cette affaire ne représentait « rien d’autre que de la propagande, un complot des Allemands » et qu’il était « convaincu que ce ne sont pas les Russes qui l’ont fait ». Les archives nationales américaines ont divulgué, depuis le 10 septembre 2012, de nouveaux documents secrets apportant les preuves que les États-Unis savaient, depuis 1943, que l'URSS était responsable du massacre.

    De leur côté, les Britanniques bénéficiaient du rapport de leur ambassadeur auprès des Polonais, O’Malley, qui aboutissait à la même conclusion que George Earle. Ce qui ne modifia en rien la ligne stratégique adoptée par le gouvernement en vue de maintenir de bons rapports avec leur allié : faire en sorte « que l’histoire enregistre l’incident de la forêt de Katyń comme une tentative sans importance des Allemands pour retarder leur défaite »

    Bien entendu Kerr introduit non seulement quelques personnages fictifs mais également des situations ou des dialogues supposés pour les besoins de la partie romancée de l'histoire mais sans jamais que soit invraisemblable car en symbiose avec les caractères des protagonistes réels. Son portrait de Goebbels fait frémir tant on a l'impression d'assister à une scène réelle dans son bureau.

    Quant au personnage de Bernie ce qui frappe tout au long des différents tomes, c'est l'ambivalence du personnage aussi bien capable de commettre des actes criminels que de se révolter contre le régime et ses actes barbares et monstrueux.

    Je me souviens de mon séjour en Allemagne près de Tübingen en Mai /Juillet 1962 chez une famille rescapée de Dresde. On retrouve les mêmes comportements, d'un coté la sanction de ce qui c'était passé mais en même temps, en tant que citoyen, le silence sur le pourquoi on est resté passif, on a accepté la venue au pouvoir des Nazis et la prétendue méconnaissance des camps (le camp de femmes de Freiberg. Ouvert en août 1944 seulement et proche de Dresde) et de leur sinistre but.

    Kerr , décédé en Mars dernier, était véritablement plus qu'un romancier, digne de figurer parmi les historiens qui se sont intéressés à cette période majeure de l'histoire mondiale et que bien des jeunes devraient lire pour combler l'immense trou dont l'enseignement de l'histoire en France dans les lycées et collèges est coupable. On ne peut s'empêcher de comparer la situation de l'époque - période 1920-1930 - à celle que nous vivons qui amena l'emergence de mouvements populistes aux conséquences catastrophiques. On ferait bien de s'en rappeler aujourd'hui.


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