• Conclusions et réflexions sur la lecture de la Biographie de Jean Moulin de Daniel Cordier

    Je viens de terminer la lecture de la biographie de Jean Moulin par Danier Cordier, son secrétaire pendant la résistance de Juin 1942 à la capture de ce héros en 1943. Ouvrage monumental si l'on considère la taille des trois volumes publiés entre 19989 et 1993, pas loin 3000 pages dont presqu'un quart (voire plus) de notes, documents in extenso en annexes diverses.

    Ouvrage passionant à plus d'un titre sans conteste, ouvrage inachevé puisque prenant fin au moment du parachutage de Moulin début 1942. En effet les trois premiers volumes devaient avoir une suite également répartie sur trois autres volumes. Il semble que Cordier en raison de problèmes de santé n'ait pas pu continuer son ouvrage. Cependant on peut que des ouvrages ultérieurs sont en fait la poursuite de cette biographie:

    1999 : Jean Moulin. La République des catacombes, Paris,  éd. Gallimard.Récapitulation du précédent ; action de Jean Moulin de 1941 à sa mort ; postérité de son action et de sa mémoire.

    2009 : Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943, Paris,  éd. Gallimard, (ISBN 978-2-07-074311-7).Prix littéraire de la Résistance 2009.

    Un livre antérieur à la biographie éclaire l'action de Jean Moulin au travers du Conseil de la résistance et publié en 1983:

    1983 : Jean Moulin et le Conseil national de la Résistance, Paris,  éd. CNRS.

    J'ai lu les deux premiers mais pas le troisième.

    Pour en revenir à la biographie elle-même, autant les deux premiers volumes sont ordonnés et prennent la vie de Moulin de façon organisée et chronologique, autant le troisième présente le défaut d'être une sorte de fourre tout entaché de redites sans nombre. Tout se passe comme si Cordier considérait que le lecteur aborderait la biographie en commençant par le dernier tome. Un peu comme cette nouvelle manie en musique, de la diffusion style salami où les programmes, par exemple comme ceux de Radio Classique , sont constitués par des extraits d'oeuvres sous le faux prétexte que les auditeurs n'ont pas la patience d'écouter une symphonie ou un concerto en commençant par le premier mouvement allant jusqu'au dernier. Procédé inadmissible, intolérable et totalement injustifiable.

    Dans ce troisième volume les 70 premières pages constituent une préface justifiant l'existence du livre et qu'un autre ouvrage intitulé "De l'Histoire à l'histoire", complétera en 2013 , où il narre sa prise de conscience aux "Dossiers de l'écran" en 1977, sur la problématique de la Résistance par rapport à "la France libre" du général de Gaulle. Autrement dit, le conflit aigu qui a opposé en 1943, Jean Moulin et les trois chefs des mouvements de résistance, Henri Frenay, Emmanuel d'Astier de la Vigerie et Jean-Pierre Lévy.

    Il faut avoir vu la façon arrogante et méprisante dont Daniel Cordier fut l'objet des propos tenus par Henry Frenay (voir Youtube) , aux Dossiers de l'écran pour comprendre l'obstination et le travail colossal qu'il mena pour contredire les calomnies et assertions de l'ancien chef de la Résistance et ministre du Général de Gaulle. 

    Le problème c'est que ceci avait déjà été expliqué dans le tome 1. Ces 70 pages sont donc redondantes. L'autre défaut du livre et qui là encore trouve son explication dans la véritable croisade menée contre l'auteur par l'opposition à sa défense de Moulin, tient aux nombreuses citations, énumérations de décisions in extenso en plein milieu de chapitres à de multiples endroits.  On doit choisir soit en met des notes en bas de pages, soit on crée des annexes. Dans le cas présent la première solution étant à l'évidence hors de question ,tout cela aurait dû aller en annexes pour ne pas rompre le fil conducteur historique.

    Enfin dans une longue postface l'auteur régle là encore ses comptes avec ses adversaires au sujet du "Manifeste de la Libération Nationale" de Henry Frenay qui lui valut des attaques allant dit-il jusqu'à personnaliser le débat, manie bien française de nos concitoyens quand ils sont à court d'arguments pour justifier leurs opposition à telle ou telle affirmation qui ne les satistont pas voire les critique. Longueur de la justification plus de 120 pages dans l'édition JCLATTES! On comprend que Cordier ait le souhait de démontrer que ses affirmations ne sont pas des lubies, des déclarations de foi envers son ancien patron, mais là encore c'est "hors sujet" et aurait dû faire l'objet d'une publication à part.

    Tout ceci nuit à la lecture du tome III car exaspéré de voir le rythme de la narration interrompu en de multiples endroits par des digressions et autres éléments à caractère documentaire nécessaires mais mal placés, on finit par les sauter et sans doute par également passer par dessus le moment où le récit biographique reprend réellement sa course. C'est profondément dommage, c'est particulièrement frustrant voire agaçant.

    Cela dit Cordier grâce à ce livre monumental, remet les choses en place et démystifie le ou les mouvements de la Résistance en leur redonnant une taille humaine. On sort de mes mémoires qui qu'on le veuille ou non embellissent toujours les actes de leurs auteurs, rares sont ceux qui comme Cordier ont le courage de dire sans détours qu'ils firent à un moment de leur vie fausse route. Cordier dit de façon claire et précise qu'il était Action Française et avait des tendances antisémites (si ma mémoire est bonne) dans son autobiographie "Alias Caracalla". Il y explique comment Moulin le mit devant ses contradictions et son erreur de jugement dès les premiers mois de leur collaboration. Cet aveu n'était pas évident à faire. C'est tout à son honneur.

    Le vieux monsieur aujourd'hui centenaire peut être fier de sa ténacité, de sa volonté de défendre coute que coute la mémoire de son patron accusé par Frenay sans la moindre preuve d'être un communiste (proto-communiste comme il le dit, on adore encore dans notre pays sortir des mots ronflants pour se donner bonne conscience).

    Quand dans Médiapart en 2013, Jean A.Chérasse  écrit "...Mais il prétend aussi faire oeuvre d'historien, avec sa maniaquerie de la chronologie des archives, en tranchant de manière subjective dans le grand débat sur le financement des groupes de Résistance et de l'Armée secrète.

    Malgré la caution de Jean-Pierre Azéma, il n'est toujours pas évident aujourd'hui, de reconnaître le bien-fondé de la position de Jean Moulin dans cette affaire, position que défend bec et ongles Daniel Cordier qui stigmatise les chefs de la Résistance, et en particulier Henri Frenay. Le chef du mouvement Combat avait eu la maladresse, dans le débat des "Dossiers de l'écran", de dire à Cordier "qu'il n'était que l'intendance et qu'il ne connaissait pas bien l'enjeu de la discussion"...." , oui  monsieur les archives sur un évènement quelconque en matière historique doivent être consultées, commentées selon leur déroublement chronologique. Quand on fait un plat on ne commence pas par la fin de la cuisson mais par la collecte des ingrédients nécessaires à sa réalisation. Oui Cordier a fait oeuvre d'historien avec un grand H en affirmant haut et fort que ce dernier devait s'appuyer sur des faits et documents sans contexte possible et que ce n'est qu'en tout dernier ressort qu'il doit prendre en considération les souvenirs des acteurs des faits dont il rend compte. Trop souvent l'autobiographe embéllit ou déforme sciemment ou involontairement ses souvenirs pour se donner bonne conscience voire masquer ses erreurs ou actes contestables . L'un des exemples les plus flagrants d'une telle attitude, fut le procès Papon des années 90. Dans un ouvrage célèbre l'un des romanciers les plus célèbres de notre litterature, Alexandre Dumas  père dans ses "Mémoires", s'en est donné à coeur joie; on lui pardonne car il a tant d'humour, tant de talent de conteur qu'on les lit avec autant de plaisir que les Trois Mousquetaires, Vingt ans après ou le Vicomte de Bragelonne;

    Pour conclure, si vous vous intéressez à cette période tragique de notre histoire, lisez cet ouvrage et je dirai même que vous devez lire les oeuvres de Cordier dans ce cas surtout pas dans l'ordre chronolique:

    1/ "Jean Moulin l'inconnu du Panthéon" Tome 1 et 2 et une partie du tome 3 en sautant certains passages mentionnés ci-dessus

    2/ "Jean MouliJe viens de terminer la lecture de la biographie de Jean Moulin par Danier Cordier, son secrétaire pendant la résistance de Juin 1942 à la capture de ce héros en 1943. Ouvrage monumental si l'on considère la taille des trois volumes publiés entre 1989 et 1993, pas loin de 3000 pages dont presqu'un quart (voire plus) de notes, documents in extenso et annexes diverses.

    Ouvrage passionant à plus d'un titre sans conteste, ouvrage inachevé puisque prenant fin au moment du parachutage de Moulin début 1942. En effet les trois premiers volumes devaient avoir une suite également répartie sur trois autres volumes. Il semble que Cordier en raison de problèmes de santé n'ait pas pu continuer son ouvrage. Cependant ses ouvrages ultérieurs sont en fait la poursuite de cette biographie:

    1999 : Jean Moulin. La République des catacombes, Paris,  éd. Gallimard.Récapitulation du précédent ; action de Jean Moulin de 1941 à sa mort ; postérité de son action et de sa mémoire.

    2009 : Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943, Paris,  éd. Gallimard, (ISBN 978-2-07-074311-7).Prix littéraire de la Résistance 2009.

    Un livre antérieur à la biographie éclaire l'action de Jean Moulin au travers du Conseil de la résistance et publié en 1983:

    1983 : Jean Moulin et le Conseil national de la Résistance, Paris,  éd. CNRS.

    J'ai lu les deux premiers mais pas le troisième.

    Pour en revenir à la biographie elle-même, autant les deux premiers volumes sont ordonnés et prennent la vie de Moulin de façon organisée et chronologique, autant le troisième présente le défaut d'être une sorte de fourre tout entaché de redites sans nombre. Tout se passe comme si Cordier considérait que le lecteur aborderait la biographie en commençant par le dernier tome. Un peu comme cette nouvelle manie en musique, de la diffusion style "salami" où les programmes, par exemple comme ceux de Radio Classique , sont constitués par des extraits d'oeuvres sous le faux prétexte que les auditeurs n'ont pas la patience d'écouter une symphonie ou un concerto en commençant par le premier mouvement allant jusqu'au dernier. Procédé inadmissible, intolérable et totalement injustifiable.

    Dans ce troisième volume les 70 premières pages constituent une préface justifiant l'existence du livre et qu'un autre ouvrage intitulé "De l'Histoire à l'histoire", complétera en 2013 , où "... il narre sa prise de conscience aux "Dossiers de l'écran" en 1977, sur la problématique de la Résistance par rapport à "la France libre" du général de Gaulle. Autrement dit, le conflit aigu qui a opposé en 1943, Jean Moulin et les trois chefs des mouvements de résistance, Henri Frenay, Emmanuel d'Astier de la Vigerie et Jean-Pierre Lévy...." (cf Mediapart )

    Il faut avoir vu la façon arrogante et méprisante dont Daniel Cordier fut l'objet lors  des propos tenus par Henry Frenay (voir Youtube) , aux Dossiers de l'écran pour comprendre l'obstination et le travail colossal qu'il mena pour contredire les calomnies et assertions de l'ancien chef de la Résistance et ministre du Général de Gaulle. 

    Le problème c'est que ceci avait déjà été expliqué dans le tome 1. Ces 70 pages sont donc redondantes. L'autre défaut du livre et qui là encore trouve son explication dans la véritable croisade menée contre l'auteur par l'opposition à sa défense de Moulin, tient aux nombreuses citations, énumérations de décisions in extenso en plein milieu de chapitres à de multiples endroits.  On doit choisir soit en met des notes en bas de pages, soit on crée des annexes. Dans le cas présent la première solution étant à l'évidence hors de question, tout cela aurait dû aller en annexes pour ne pas rompre le fil conducteur historique.

    Enfin dans une longue postface l'auteur régle là encore ses comptes avec ses adversaires au sujet du "Manifeste de la Libération Nationale" de Henry Frenay, qui lui valut des attaques allant dit-il jusqu'à personnaliser le débat, manie bien française de nos concitoyens quand ils sont à court d'arguments pour justifier leurs opposition à telle ou telle affirmation qui ne les satistont pas voire les critique. Longueur de la justification plus de 120 pages dans l'édition J.C. LATTES! On comprend que Cordier ait le souhait de démontrer que ses affirmations ne sont pas des lubies, des déclarations de foi envers son ancien patron, mais là encore c'est "hors sujet" et aurait dû faire l'objet d'une publication à part.

    Tout ceci nuit à la lecture du tome III car exaspéré de voir le rythme de la narration interrompu en de multiples endroits par des digressions et autres éléments à caractère documentaire nécessaires mais mal placés, on finit par les sauter et sans doute par également passer par dessus le moment où le récit biographique reprend réellement sa course. C'est profondément dommage, c'est particulièrement frustrant voire agaçant.

    Cela dit Cordier grâce à ce livre monumental, remet les choses en place et démystifie le ou les mouvements de la Résistance en leur redonnant une taille humaine. On sort de ces mémoires qui, qu'on le veuille ou non embellissent toujours les actes de leurs auteurs; rares sont ceux qui comme Cordier ont le courage de dire sans détours qu'ils firent à un moment de leur vie fausse route. Cordier dit de façon claire et précise qu'il était Action Française et avait des tendances antisémites dans son autobiographie "Alias Caracalla". Il y explique comment Moulin le mit devant ses contradictions et son erreur de jugement dès les premiers mois de leur collaboration. Cet aveu n'était pas évident à faire. C'est tout à son honneur.

    Le "vieux monsieur", aujourd'hui centenaire peut être fier de sa ténacité, de sa volonté de défendre coute que coute la mémoire de son patron accusé par Frenay sans la moindre preuve d'être un communiste (proto-communiste comme il le dit, on adore encore dans notre pays sortir des mots ronflants pour se donner bonne conscience).

    Quand dans Médiapart en 2013, Jean A.Chérasse  écrit "...Mais il prétend aussi faire oeuvre d'historien, avec sa maniaquerie de la chronologie des archives, en tranchant de manière subjective dans le grand débat sur le financement des groupes de Résistance et de l'Armée secrète.

    Malgré la caution de Jean-Pierre Azéma, il n'est toujours pas évident aujourd'hui, de reconnaître le bien-fondé de la position de Jean Moulin dans cette affaire, position que défend bec et ongles Daniel Cordier qui stigmatise les chefs de la Résistance, et en particulier Henri Frenay. Le chef du mouvement Combat avait eu la maladresse, dans le débat des "Dossiers de l'écran", de dire à Cordier "qu'il n'était que l'intendance et qu'il ne connaissait pas bien l'enjeu de la discussion"...." , oui  monsieur les archives sur un évènement quelconque en matière historique doivent être consultées, commentées selon leur déroulement chronologique. Quand on écrit une recette d'un plat on ne commence pas par la fin de la cuisson mais par la collecte des ingrédients nécessaires à sa réalisation en précisant pour combien de convives. Oui Cordier a fait oeuvre d'historien avec un grand H, en affirmant haut et fort que ce dernier devait s'appuyer sur des faits et documents sans contexte possible et que ce n'est qu'en tout dernier ressort qu'il doit prendre en considération les souvenirs des acteurs des faits dont il rend compte. Trop souvent l'autobiographe embéllit ou déforme sciemment ou involontairement ses souvenirs pour se donner bonne conscience, voire masquer ses erreurs ou actes contestables . L'un des exemples les plus flagrants d'une telle attitude, fut le procès Papon des années 90. Dans un ouvrage célèbre l'un des romanciers les plus célèbres de notre litterature, Alexandre Dumas  père dans ses "Mémoires", s'en est donné à coeur joie; on lui pardonne car il a tant d'humour, tant de talent de conteur qu'on les lit avec autant de plaisir que les Trois Mousquetaires, Vingt ans après ou le Vicomte de Bragelonne.

    Pour conclure, si vous vous intéressez à cette période tragique de notre histoire, lisez cet ouvrage et je dirai même que vous devez lire les oeuvres de Cordier, dans ce cas surtout pas dans l'ordre chronologique:

    1/ "Jean Moulin l'inconnu du Panthéon" Tome 1 et 2 et une partie du tome 3 en sautant certains passages mentionnés ci-dessus

    2/ "Jean Moulin. La République des catacombes"

    3/ "Les Feux de Saint-Elme," qui traite de la prime jeunesse de l'auteur

    4/ "Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943" la période principale de son autobiographie qui sera suivie sans doute soit sous sa plume de façon posthume soit écrite par un de ses futurs biographes, de sa carrière de collectionneurs et expert en peinture contemporaine dont il doit la genèse à Jean Moulin qui l'a initié à cet art et en a fait un spécialiste de haut niveau.n. La République des catacombes"

    3/ "Les Feux de Saint-Elme," qui traite de la prime jeunesse de l'auteur

    4/ ":Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943" la période principale de son autobiographie qui sera suivie sans doute soit sous sa plume de façon posthume soit écrite par un de ses futurs biographes, de sa carrière de collectionneurs et expert en peinture contemporaine dont il doit la genèse à Jean Moulin qui l'a initié à cet art et en a fait un spécialiste de haut niveau.


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  • Commentaires

    1
    Samedi 19 Septembre 2020 à 00:27

    Coucou Claude,

    j'ai lu qq chose de plus bref sur Caracalla.

    Merci pour ton développement.

    Bise amicale

    2
    Mardi 22 Septembre 2020 à 21:32

    Bonsoir Sylvie, on ne résume pas en quelques mots une histoire et une période aussi dramatique.

    bises

    Claude

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