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La seconde guerre mondiale par Winston Churchill
Je viens de terminer la lecture de ce monument en 6 volumes de près de 600 pages chacun écrit entre 1948 et 1953 par le grand homme d'Etat.
Lecture passionnante s'il en est, parfois exaspérante autant par la manière dont le texte est composé par l'auteur que par une certaine tendance à la mauvaise foi de sa part sur des faits facilement prouvés où sa responsabilité dans des décisions ont coûté en nombreuses vies humaines et mis en péril certaines régions.
On ne redira jamais assez le courage de cet homme qui contre vents et marées s'est insurgé contre la politique irresponsable de ses prédécesseurs entre les deux guerres et ont contribué sans conteste à l’avènement du régime Nazi tout comme les dirigeants français de l'époque et le tout renforcé par l'isolationnisme forcené des Etats Unis. On sait aujourd'hui de façon certaine que même en 1939 le Reich attaquant la Pologne s'était mis en état de faiblesse vis à vis des alliés qui restaient tranquillement à jouer aux cartes et au foot jusqu'au mois de Mai 1940. Toute cette période est marquée par une inconscience des états majors tant français que britanniques et suivie d'une lâcheté française indiscutable.
Winston cria dans le désert comme le futur Général de Gaulle devant l'état d'impréparation des armées des deux pays qui vivaient avec des idées en matière de stratégie militaire et d’équipement remontant aux débuts de la première guerre mondiale sinon même des guerres napoléoniennes ou de 1870.
La sanction ne se fit pas attendre et en moins de deux mois la France était mise au tapis tandis que par une solidarité sans précédent de la Navy et des possesseurs de bateaux marchands ou privés près de 300000 soldats Britanniques, Français et Polonais étaient rapatriés en Grande Bretagne laissant sur place leurs armes et matériels.
Il fallait un courage et une volonté sans faille pour prononcer à la Chambre des Communes le fameux discours aussi célèbre que l'appel du 18 Juin précédé par celui lors de sa prise de fonctions en tant que premier ministre le 13 mai 1940:
"A la Chambre des communes, je dirai comme je l'ai dit à ceux qui ont rejoint le gouvernement : " Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur ".
Nous avons devant nous une épreuve des plus douloureuses. Nous avons devant nous de nombreux et longs mois de combat et de souffrance.
Vous demandez, quelle est notre politique ? Je peux vous dire : c'est d'engager le combat sur terre, sur mer et dans les airs, avec toute la puissance, la force que Dieu peut nous donner ; engager le combat contre une monstrueuse tyrannie, sans égale dans les sombres et désolantes annales du crime. Voilà notre politique.
Vous demandez, quel est notre but ? Je peux répondre en un mot : la victoire, la victoire à tout prix, la victoire en dépit de la terreur, la victoire aussi long et dur que soit le chemin qui nous y mènera ; car sans victoire, il n'y a pas de survie."
Et le 4 Juin 1940 il récidivait si l'on peut dire dans cette phrase désormais des plus célèbres:
« Nous irons jusqu'au bout, nous nous battrons en France, nous nous battrons sur les mers et les océans, nous nous battrons avec toujours plus de confiance ainsi qu'une force grandissante dans les airs, nous défendrons notre île, peu importe ce qu'il en coûtera, nous nous battrons sur les plages, nous nous battrons sur les terrains de débarquement, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons dans les collines; nous ne nous rendrons jamais, et même si, bien que je n'y croie pas un seul instant, cette île ou une grande partie de cette île était asservie et affamée, alors notre Empire au-delà des mers, armé et gardé par la flotte britannique, continuera de lutter, jusqu'à ce que, quand Dieu le voudra, le Nouveau Monde, avec tout son pouvoir et sa puissance, vienne à la rescousse libérer l'Ancien. »
70 ans après ce discours vous comble d'émotion, même l'appel du 18 juin n'atteint pas à la puissance de celui de Churchill par sa simplicité, son absence d'emphase, sa puissance galvanisante. Les faits sont là: tout un pays s'est retroussé les manches et a tenu bon en dépit des bombes et des tentatives de la Luftwaffe pour détruire la RAF et à tenu tête à l'Allemagne tout seul pendant près de deux ans.
Sur le plan de la composition de l'ouvrage on peut reprocher à Churchill l'abus des citation intégrales de ses télégrammes et circulaires tant à ses collaborateurs que dans ses rapports avec les officiers et chefs d'Etat avec qui il correspond. Cela alourdit le texte d'autant plus que l'édition que je posséde publiée en 1985 aux USA, est en petits caractères et les citations sont réduites de moitié par leur taille ce qui rend la lecture des plus fatigantes. Quant aux notes en bas de page dieu merci peu nombreuses, elles ne doivent pas dépasser 1ou 2 mm de hauteur!
Plus grave est surtout la mauvaise foi de l'auteur s'agissant de faits qui auraient pu tourner très mal en particulier en Afrique de Nord. L'offensive fulgurante du Général Wavell en Lybie en 1941 a été stoppé nette par Churchill qui faisait une fixation sur la Grèce.
"Le commandant en chef des forces britanniques du Proche-Orient, soit l'ensemble formé par l'Égypte, le Soudan, la Palestine, la Transjordanie, Chypre, la Somalie britannique, Aden, l'Irak et territoires du Golfe Persique) du 28 juillet 1939 au 5 juillet 1941 ne peut empêcher la pénétration italienne en Égypte. Il préfère regrouper ses forces et préparer des offensives judicieusement choisies. Le maréchal italien Rodolfo Graziani commet l'erreur de multiplier les fronts. Le général Wavell prépare une vigoureuse contre-attaque face aux Italiens en Cyrénaïque (Libye) et en Abyssinie (Éthiopie).
La Cyrénaique est reconquise de décembre 1940 à février 1941, les troupes anglaises commandées par le général concentrant ses forces d'infanterie sous la protection d'une artillerie efficace repoussent les forces italiennes jusqu'à El Agheila à la frontière de la Tripolitaine atteint le 9 février 1941. L'offensive de l'hiver 1940-1941 est illustrée par la prise de Tobrouk et de Benghazi, elle fait plus de 120000 prisonniers italiens en désarroi. Le vainqueur est promu Chevalier Grand-Croix de l'Ordre du Bain (GCB) le 4 mars 19415 en récompense de ses victoires militaires au Moyen-Orient face à un ennemi largement supérieur en effectif. Au printemps 1941, la liquidation de l'empire italien d'Afrique orientale est menée tambour battant par l'autre armée préparée par Wavell.
Mais au même moment, les Italiens et les Allemands lancent une attaque sur la Grèce. Wavell reçoit l'ordre d'arrêter l'avancée en Libye et d'envoyer des troupes en Grèce. Il n'est pas d'accord avec cette stratégie d'expansion incertaine de la ligne de front mais suit les ordres. Surviennent alors les désastres d'avril et de mai 1941 en Méditerranée orientale. Les Allemands saisissent l'occasion de l'affaiblissement britannique pour renforcer le contingent italien en Afrique du Nord et l'aventureuse intervention britannique montre son incapacité à défendre la partie continentale de la Grèce. Les troupes britanniques dépourvues de têtes de pont solides sont forcées de se replier en Crète avec de lourdes pertes." ( source wikipedia)
Affaibli Wavell devra alors amorcer une retraite prudente, Churchill lui reprochera sa faiblesse et le remplacera par Auchinleck le 20 Juin 1941 qui ne réussira pas mieux à contenir la poussée de l'Afrika Korps et sera comme Wavell désavoué par le premier ministre et remplacé par Montgomery a qui enfin on donnera les moyens de faire reculer les allemands lors de la seconde bataille d'El Alamein en octobre-novembre 1942.
Churchill se garde bien de reconnaître son erreur stratègique notoire qui couta de nombreuses vies humaines tant lors de l'évacuation de la Grèce que de celle de la Crête quelques semaines plus tard. En juin-Juillet 1942 au Caire les alliés commençaient à détruire les archives dans la crainte de la conquête imminente de l'Egypte et du Canal de Suez par les troupes de Rommel. A aucun moment par ailleurs n'est fait mention par Churchill du rôle éminent des équipe de camouflage de Geoffrey Barkas qui n'ont pas peu contribué à aider Montgomery à prendre par surprise l'Afrika Korps au soir du 23 octobre 1942. Un ouvrage remarquable a été publié en anglais à l'occasion du 70e anniversaire de la bataille et dont j'ai fait la critique dans mon autre blog ici The Phantom army of El Alamein . Livre en anglais, je ne sais s'il a été traduit en français hélas, écrit par Rick Stroud. J'ai sur le même blog inséré une traduction partielle du chapitre relative à la conception du leurre de la bataille que l'on trouvera sous ce lien Extrait du livre The Phantom Army of El Alamein .
Un autre aspect très agaçant est la soumission totale de Churchill aux décisions américaines qui par moment confine au ridicule. Churchill se laissera d'ailleurs fortement influencer par Roosevelt dans l'animosité viscérale que le Président américain vouera au Général de Gaulle, comportement d'une malhonnêteté patente quand on sait que pratiquement jusqu'à sa mort les USA continueront à traiter avec Vichy en dépit des preuves flagrantes de collaboration de Pétain, Laval et Darlan avec le régime Nazi occupant.
Enfin un dernier point surprend de la part d'un homme aussi perspicace et visionnaire, c'est sa naïveté devant le comportement soviétique et ce pratiquement jusqu'à la fin de la guerre.
Churchill par son comportement donne raison à Wavell qui affirmera que "les politiques agissent avec leur coeur, tandis que les militaires agissent avec leur cervelle".
La rancune de Churchill à l'égard de Wavell sera tenace au point que l'ex premier ministre n'assistera pas aux obsèques du général en 1960 ce qui déchainera bien des sarcasmes.
En dépit de ces critiques il demeure que cet ouvrage est des plus instructifs, doit bien entendu s'apprécier en fonction de la date de sa conception où encore la majorité des archives de la guerre n'étaient pas encore déclassifiées voire connues.
Tags : Winston Churchill, seconde guerre mondiale
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