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Jeanne du Barry, une ambition au féminin de Emmanuel de Waresquiel (Taillandier; 2023)
Cette nouvelle biographie a été publiée en août 2023 et vient s’ajouter à de nombreuses autres. Dans son prologue du livre « les poupées russes » de Waresquiel non seulement explique ce qui l’a amené à écrire cet ouvrage mais une sorte de filiation de ces travaux sur la révolution et son travail sur Marie-Antoinette et son procès. Au cours de la biographie et dans les derniers chapitres il montre le parallèle des destins des deux femmes par les accusations infâmes dont elles furent l’objet. Or on sait au départ que la Reine détestait la favorite qui essayât en vain d’obtenir son soutien pendant et après la mort de Louis XV. Il faudra la tragédie finale pour qu’enfin la Reine baisse la garde. Un autre événement viendra s’ajouter pendant l’écriture du livre et concerne la documentation nouvelle trouvée par l’auteur. De Waresquiel réussit à mettre la main sur le nom des descendants en ligne directe de la fille de la comtesse : « …Parfois le passé et le présent se télescopent… Je compose un peu fébrile, un numéro de téléphone. Il m’a fallu certain temps avant d’avouer ce que je savais à celui à qui je parlais. Il ne s’y attendait pas….Et je parlais pour la première fois à l’un de ses arrière-arrière-petits-enfants et il avait des archives !... » écrit-il. Par ailleurs il trouve de nombreux documents non publiés à ce jour et que l’on croyait perdus ainsi que des documents réunis au XIXe siècle par un certain Charles Vatel qui avait entrepris vers 1880 l’écriture d’une biographie de Jeanne et en partie publiée.
Tous ces éléments vont permettre à de Waresquiel de corriger en profondeur l’image de la maîtresse de Louis XV jusqu’alors considérée comme pire qu’une courtisane. Il montre les fausses déclarations concernant sa naissance et son mariage. Dès le premier chapitre on est projeté dans une véritable enquête quasiment policière où fausses déclarations, libelles, pamphlets de toutes sortes plus ignobles les uns que les autres vont être pris tout au long des biographies successives pour argent plus ou moins comptant et feront de Jeanne Du Barry un personnage douteux, sulfureux, reléguant au second plan son modernisme en matière artistique. Il est évident que cette femme fut ce que l’on appelle aujourd’hui une « ShopAlcoholic », couvertes de dettes à l’instar de l’Etat français de nos jours : plus d’1 millions de livres de l’époque à sa mort dont les créanciers ne verront pas la moindre goutte. Louveciennes sera truffé de caches contenant tableaux, diamants, rubis, et divers objets en or acquis pendant le règne de Louis XV et après sa mort, par la comtesse vivant sur un grand train en dépit de son exil total ou partiel à Pont aux dames ou Louveciennes.
Mais cette biographie permet très vraisemblablement d’apporter une correction en profondeur de bien des accusations portées sur cette femme, bien différente de Mme de Pompadour et qui sur le plan artistique aura marqué un tournant majeur de son vivant.
Le livre a un autre intérêt. Divisé en cinq parties comme une tragédie classique en cinq actes, la dernière nous plonge dans l’époque monstrueuse de la révolution française et de la Terreur de 1793 à 1794. On ne peut s’empêcher de trouver des personnages et des situations que l’on retrouve aujourd’hui dans l’époque tourmentée que nous vivons en ce moment.
· Un Etat en faillite virtuelle
· Une élite marquée par le déni constant des dangers à sa porte
· Une classe politique aveugle à sa droite et à sa gauche dirigée par un extrémiste de haute volée, Robespierre aka Mélenchon
· Un ancêtre de Rima Hassan, commissaire d’origine britannique, Georges Greive qui sera à l’origine du rapport à charge donné au Bompard de l’époque, Fouquier-Tinville qui se charge de rédiger l’acte d’accusation au procès
· Des jurés souvent lâches comme ces députés de LFI ou de NFP ou ces dirigeants au gouvernement plus enclins à reculer par peur de se compromettre et perdre leur pouvoir sinon leur tête.
On pourrait rallonger la liste des ressemblances sinon similitudes des périodes observées. On peut même rapprocher par leur différence d’âges symétriques les couples Macron/LouisXV-du Barry !
Enfin de Waresquiel montre que si Madame du Barry est tout à la fois inconséquente par ses dépenses et ses dettes, elle est aussi une femme progressiste qui soutient la révolution à ses débuts avant son tournant terroriste et dont la générosité est reconnue par nombre des habitants de Louveciennes qu’elle aidât financièrement si besoin était.
Un livre remarquable qui s’ajoute à ceux précédemment commentés ici sur Talleyrand et Joseph Fouché.
Tags : Du Barry Louveciennes révoluition Terreur de Waresquiel
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