• Voici un excellent article d'AndréTubeuf qui devrait en faire réfléchir plus d'un, du ministre de la culture au dernier des soit disant acteurs ou chanteurs d'opéras en passant par leur soit disant metteur en scène. N'est-ce pas Mme F....W....grande experte en démolition du théatre classique, tel que j'ai pu l'observer lors de votre cours où j'eus la sottise de m'inscrire, mais comme on dit et pour paraphraser, "on ne saurait des ans palier l'irréparable outrage....

    La trêve des confiseurs par André Tubeuf (source: https://www.qobuz.com/fr-fr/blogs)

    20 décembre 2017

    C’est ainsi qu’on appelait autrefois l’espace de temps laissé vide et creux entre les deux Réveillons, l’un familial et festif, celui de Noël, l’autre plus mondain et convivial, celui de la Saint Sylvestre. À l’un comme à l’autre, pareillement bonbons et confetti, et gourmandises. Il fallait bien entre temps, laisser aux confiseurs le temps de souffler (et aux estomacs un temps de bouillon de légumes). Qobuz fera un peu la sienne, on aura bien vu à l’Opéra-Comique le Comte Ory, dont on se fait une fête à l’avance (le plus irrévérencieux et leste, le plus justement parisien des Rossini), on vous racontera cela… l’an prochain.

    On ne va pas rester en tête-à-tête triste avec soi-même pour autant. On se souvient du temps où la radio était seule compagnie, seul entretien, pour peu qu’un vent de neige soufflât dehors, et qu’on se blottît frileusement autour du feu, chez soi. Les plus grands acteurs, les mêmes qui paraissaient régulièrement à l’affiche des douzaines de théâtres que Paris comptait alors, Comédie Française comprise, se répandaient aussi sur les ondes. Combien de soirs le théâtre radiophonique aura été interlocuteur privilégié, et bienvenu, de ceux qui ne sortent pas. La merveille est que tout cela n’ait pas définitivement disparu, malgré le caractère éphémère qui fait à la fois la beauté et la misère de ces voix qui touchent, nous habitent, pourraient nous hanter, mais dont un simple souffle de vent, ou une autre voix, suffira à effacer la trace. Le miracle du disque a maintenu vivantes et agissantes des voix depuis longtemps éteintes, que ce soit Sarah Bernhardt ou Caruso, nous suggérant un peu de l’effet émotionnel, l’impact qu’on sait par mille témoins qu’ils ont produit dans la réalité. Et le disque est devenu lieu de mémoire, culte absolument.

    On ne sait pas assez que bien des trésors du théâtre français et des voix qui le servirent si bien sont encore accessibles aujourd’hui. L’INA existe, lieu de patrimoine phénoménal, et d’autant plus que les pratiques du théâtre se sont mieux que modifiées, métamorphosées depuis ces premières années 1950 dont nous retrouvons les façons intactes, et d’abord les voix souveraines, avec une présence sans images délibérée, d’autant mieux faite pour produire son effet par la seule voix. Et quelles voix ! Et quel usage princier de la diction, d’un naturel factice et supérieur, celui même qui fait que les alexandrins, fabriqués comme ils sont, nous paraissent ne s’exhaler et se dévider que selon l’inspiration (et la respiration) qui les modèle ! Sait-on qu’en ces années 50 toute une sélection de pièces de Shakespeare fut ainsi programmée et il n’y a pas besoin de voir le Marc Antoine du prodigieux Aimé Clariond dans Coriolan ni Maria Casarès en Portia du Marchand de Venise pour qu’un théâtre magique, et combien plein de présence(s) se dresse aussitôt en notre seule oreille !

    Nostalgie douloureuse pourtant. En notre temps où si peu de voix portent et d’elles-mêmes, de par le timbre et la projection, se distinguent (même au théâtre lyrique), quel réconfort, mais quel sentiment de perte aussi, en écoutant la simple pochade en vers (toute en brièveté, en esquisse) qu’est À quoi rêvent les jeunes filles, du Musset. Les jeunes filles ici, ce sont, une génération géniale en rejoignant une autre, Renée Faure, l’aînée, Jeanne Moreau, la cadette. Des timbres, des dires, un sourire dans la voix : une magie. En cherchant plus loin en arrière, on accèdera à la totalité du Soulier de satin, captée en un temps qui pouvait se dire que la pièce resterait injouable. On est en 1942, l’émission procède très officiellement de ce qui se nomme alors ‘Etat Français’, le texte est intégral sans les coupures qui, l’an d’après, le feront jouable. Jean-Louis Barrault est déjà Rodrigue et Madeleine Renaud Dona Musique, mais c’est Eve Francis, glorieuse créatrice claudélienne de L’Otage, qui est Prouhèze (ce sera Marie Bell en 43) et, merveille, la 4e partie, Sous le vent des Iles Baléares est là, et c’est Madeleine Renaud, reconnaissable entre mille, qui crée Dona Sept Epées, qui ne verra les feux de la rampe qu’un quart de siècle plus tard. Cherchez encore, voici un Hussard sur le toit découpé pour la radio selon les conseils de Giono lui-même, parfaitement raconté et où les deux protagonistes, Angelo et l’évasive et miraculeuse Pauline, sont dits, incarnés au plein sens, par Gérard Philipe et Jeanne Moreau.

    On verra ce qu’on voudra de la Comédie Française, où pointent déjà un Charon et un Hirsch, mais où Seigner, Jean Piat, Descrières paraissent constamment : et que vive Molière ! Il y eut grande rivalité alors entre la Maison de Molière et le TNP où, depuis Avignon, Jean Vilar changeait un peu la donne. Et quelle instruction de comparer deux Cid ! L’un, très prodigieusement dit et projeté par d’absolus professionnels de l’alexandrin, porte par la seule présence du son, malgré la relative modestie des protagonistes, l’excellent André Falcon n’étant pas un durable rival pour Gérard Philipe à la conquête du monde. Mais, loi souveraine du théâtre : ce juvénile Cid de Philipe est empli de gaucheries, de ce qu’on pourrait appeler essais de voix : et l’alexandrin ne lui sera jamais patrie naturelle. En revanche, dix ans plus tard, dans Musset c’est un prodigieux professionnel du dire qui, d’une voix pleine d’inventions qui sont des réussites, nous fera revivre Les Caprices de Marianne ou On ne badine pas avec l’amour. Etonnant temps de théâtre où Molière, Racine et Corneille avaient déjà les formidables serviteurs (et en troupe) qu’aujourd’hui ils n’ont plus, et où Musset et Marivaux s’inventaient les leurs !

    La télévision balbutiante s’y est vite mise, naturellement, y ajoutant l’image, qui est une présence concurrente (celle de la voix marchait à 100%, elle suffisait), avec les plus belles justifications culturelles qui soient. On sait que l’outil avalera son maître, et s’en ira tout seul à ses propres fins, qui sont publiques, et pas éducatives ni culturelles. On ne chicanera pas cette image encore gauche, ces gros plans de visages sur fond de décors fixes. Mais merci si l’image ressemble à la voix, si les deux se compètent ! L’INA aurait sa raison d’être, ne nous eût-il conservé que Bérénice, le Racine le plus beau sans doute et le plus pur, qui pourrait avoir été écrite pour le seul amour de la langue et du bien dire. On y voit un René Arrieu, Antiochus à briser le cœur dans sa sobriété douloureuse ; Jacques Dacqmine donner pleine force à un Titus vraiment empereur, et qui sait très bien à quelle autre passion, l’Empire, il sacrifie l’amour. Et Silvia Monfort, merveille de geste et de mouvement, voix rauque aux reflets mordorés, dont un legato de violon mozartien vient juste là où il faut calmer, civiliser la sauvage véhémence. Entendre un tel trio dire de tels mots ! « Dans un mois, dans un an, comment souffrirez-vous / Seigneur, que tant de mers me séparent de vous… » « Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez… » Pas seulement Titus : mais nous, pleurant une époque révolue, celle que les plus vieux d’entre nous ont connue vers leurs vingt ans, et qui semble si loin que l’exemple même s’en trouve perdu. Et pleurant tout court, oui, pleurant, tant Racine bien dit conserve ce pouvoir là… Trêve de théâtres, et de sabots de Noël. Eh bien, installons-nous, abonnons-nous à l’INA. La richesse, la vérité, l’exemple sont là, vivants.

    La trêve des confiseurs

    Oui comme l'écrivait ce matin un ami ancien DRH de Paribas du temps de sa gloire, "les archives recèlent suffisamment de trésors pour qu'on puisse ignorer les prétentieux nullards d'aujourd'hui."

     

     

     

    A nouveau Bonne année à tous mes lecteurs


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  • Les sites de Campanie sont pour moi des lieux magiques où enfin les restes de la civilisation Romaine antique sont vivants et ne se résument pas à un champ de pierres si beau soit-il d'un point architectural ou de sculpture.

    Je viens de terminer la lecture d'un remarquable livre d'Alberto Angela : Les trois jours de Pompéi.

    Paléontologue né à Paris, l'auteur spécialiste de la civilisation romaine s'est consacré en particulier au tournage d'émissions culturelles pour la télévision italienne, très regardées et et est l'auteur de nombreux best sellers.

    Son précédent livre qui est loin d'être un roman historique, Emperium, nous faisait suivre le parcours d'un "sesterce" tout au long de son utilisation par ses détenteurs à travers l'empire romain.

    Ici Angela nous fait revivre les 72 dernières heures de la cité et des villes avoisinantes en suivant en filature en quelque sorte, des hommes et des femmes dont les noms ont survécus au désastre et qui pour certains ayant échappé au cataclysme ont laissé des souvenirs, le plus connu bien entendu et Pline le Jeune qui transmit à Tacite par deux lettres ce qu'il avait vu depuis la villa de Misène où il séjournait chez son oncle Pline l'Ancien, amiral de la flotte qui y était ancrée et qui mourut à Stabie chez un de ses amis espérant pouvoir sauver sur ses bateaux le plus de monde possible.

    Avec une écriture sans fioritures, s'appuyant entre autres sur les nombreux graffitis que l'on trouve sur le murs de Pompéi, utilisant les découvertes les plus récentes pour conforter ses conclusions, il fait revivre 7 personnages qui furent des personnalités importantes de la ville; on les découvre au départ réunis chez leur hôtesse Rectina, aristocrate, amie personnelle de Pline l'Ancien mentionnée par son neveu dans sa lettre et qui motiva en premier la décision de son oncle de partir à son secours.

    Elle se trouvait coincée dans sa villa au bord de la mer et pu prévenir Pline en utilisant les services des Centurions en charge de la tour destinée aux communications avec les bateaux en mer ou avec d'autres ouvrages du même genre à terre, envoyant des messages codés avec des miroirs. C'est l'ancêtre des sémaphores.

    Le livre se termine bien entendu sur l'éruption, suivie minute par minute, là encore grâce aux conclusions obtenues aujourd'hui par les géologues, vulcanologues et autres hommes de science qui se sont penchés sur cette terrible catastrophe dont on estime qu'elle équivalait à l'envoie en deux jours de près de 50000 bombes d'Hiroshima!

    Un livre superbe qui complète des visites des sites voire est un excellent guide pour une visite future.

     


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    Entretien de Laurent Dandrieu et Geoffroy Lejeune:

    Comédien hors norme, au registre exubérant, Michel Fau a monté le spectacle phare de cet automne, un Tartuffe baroque et follement audacieux dont il partage l’affiche avec Michel Bouquet. Pour Valeurs actuelles, il expose sa vision du théâtre et des “théâtreux”. 

    Qu’est-ce qui vous a décidé à monter ce Tartuffe ? La pièce, l’envie de jouer avec Michel Bouquet ? 

    Depuis douze ans, je ne monte que les textes qui m’ont fait rêver quand j’étais ado : Montherlant, André Roussin, et puis évidemment Molière, le Misanthrope, maintenant le Tartuffe, plus tard j’aimerais faire George Dandin. J’ai été bouleversé quand j’ai lu ces textes à l’époque : je pense que c’est important pour un artiste d’être fidèle à ses premiers émois. Bouquet, je n’aurais jamais imaginé jouer avec lui, parce qu’il avait été mon prof il y a vingt-cinq ans, et qu’il est assez impressionnant comme professeur : il avait été déterminant, mais de façon assez déroutante. Il y a deux ans, il m’a dit : « Tu devrais jouer Tartuffe », et j’ai répondu : « Oui, mais avec vous dans Orgon. » Bouquet, c’est un cas : il a 92 ans, il joue depuis qu’il a 17 ans, il a consacré sa vie aux poètes ; au théâtre, il n’a jamais joué que des grands textes, jamais de choses mineures. C’est comme un sacrifice : il s’est sacrifié aux poètes. Sur scène, il est dans des états de transe mystique quand il joue, quand il profère les alexandrins… C’est exceptionnel.

    Il y a trop d’acteurs qui sont confortablement installés, c’est pour ça qu’on s’emmerde souvent au théâtre ou au cinéma. Le métier d’acteur est devenu un métier de notables, alors qu’avant c’était un métier de bizarres. On a galvaudé le métier d’acteur, on nous a fait croire qu’il suffisait d’être naturel et de parler juste : je pense que c’est plus compliqué que ça, et plus intéressant. 

    On a l’impression que votre mise en scène est un pamphlet contre le théâtre naturaliste, avec ses personnages qui discutent de leurs états d’âme dans des cuisines en formica… 

    Évidemment, j’ai un imaginaire, des fantasmes, mais je pars toujours de la pièce, je rebondis sur elle. J’essaie d’être le plus proche du texte, le plus naïf par rapport à lui, le plus théâtral possible, je me pose des questions sur le style, sur la langue, sur l’esthétique, la façon dont la pièce était jouée à l’époque, et après ça donne un objet. Et c’est alors que je me rends compte que cet objet est comme un manifeste sur un théâtre qui n’existe plus. Je crois que c’est pour ça que le public vient nombreux, et un public très mélangé, de générations mais aussi de positions sociales très différentes. Il y a une théâtralité, un lyrisme, une poésie, quelque chose qui n’est pas réaliste, pas naturaliste. On avoue qu’on est au théâtre : il y a de l’artificialité, il y a un décor peint, qui est quelque chose qu’aujourd’hui on ne fait plus du tout. Je comprends que ça ne plaise pas, mais ce style de théâtralité “baroque”, c’est un truc qui n’existe plus. Et puis, si on a peur de parler de Dieu, de parler du roi, des alexandrins, il ne faut pas monter cette pièce ! Et souvent, les metteurs en scène ont peur des trois… La dernière mise en scène que j’ai vue du Tartuffe, c’était devenu un drame bourgeois sur un père qui n’est pas sympa avec ses enfants et un mec qui tripote une nana, une histoire de petite culotte, en fait… 

    Alors que beaucoup de metteurs en scène jouent Richard III en costumes nazis, vous avez fait le choix d’une mise en scène presque historiciste pour mieux laisser la modernité du texte parler d’elle-même… 

    C’était peut-être bien de jouer Molière en costumes modernes, mais on le fait depuis 1962 ! C’est devenu un académisme… Dans toutes les mises en scène, ils essayent de moderniser — parce qu’ils n’ont rien à dire — et on joue comme à la télé, on joue petit, quotidien. Il y a des textes qui demandent à être joués de manière naturaliste, mais ces textes-là, ça n’est pas fait pour ça, c’est un théâtre lyrique, grotesque et dévastateur… C’est comme monter Wagner ou Verdi dans une cuisine. Ça revient à rabaisser les mythes, alors que les gens veulent des mythes. Le vrai public — pas les théâtreux —, il n’a pas envie qu’on lui parle de problèmes de banlieue, de voir des survêtements sur scène… C’est comme les concertos de Mozart : dans les années soixante-dix, on les jouait au synthétiseur, puis on s’est rendu compte que c’était un peu con, en fait ; et maintenant on essaie de retrouver le son de l’époque. Mais au théâtre, on est resté à cette modernisation à la con. La Comédie-Française n’assume plus son rôle de servir le patrimoine, ils sont complexés par rapport à ça. Même là, les alexandrins sont massacrés : il n’y a plus de lieu en France où l’on dit correctement les alexandrins. Alors que c’est un truc sublime qui a été inventé en France. Par contre, quand il y a un spectacle de kabuki qui passe en France, tout le monde applaudit… À l’Odéon, ils viennent de monter un Tchekhov en langue des signes russe ! C’est quand même dément, non ? 

    Est-ce que le théâtre contemporain n’est pas devenu une rebellocratie, un art officiel qui se vit comme quelque chose d’extrêmement audacieux ? 

    Alors qu’il ne choque plus personne ! Ils ont remplacé un académisme par un autre. Maintenant, quand on va voir une pièce classique, on sait très bien qu’ils vont être en costard-cravate, qu’il y aura des meubles Ikea, de la vidéo, que le texte sera détourné, qu’il n’y aura plus du tout de théâtralité ; plus d’emphase, plus de lyrisme, plus de poésie, pas beaucoup d’humour — ou alors, quand ils essaient de faire de l’humour, c’est pire… Mais ils ne choquent personne ! C’est le règne de la tiédeur, ça plaît aux bourgeois qui lisent Télérama et l’Obs. Et ils jouent comme à la télé : ce jeu de téléfilm a tout contaminé, le théâtre de boulevard aussi. Autrefois, quand j’allais voir Jean Poiret et Maria Pacôme, ils étaient délirants ! Darry Cowl était surréaliste dans son jeu. Maintenant, même chez Ivo van Hove, le metteur en scène à la mode, ils jouent comme dans Joséphine ange gardien ! Ils ne parlent pas trop fort, ils sont sobres, ils ne font pas d’effet de voix, il n’y a aucune folie. On dit que mes comédiens ont un jeu boursouflé : mais c’est beau, le jeu boursouflé ! 

    D’où vient ce règne de la tiédeur ? 

    C’est le raisonnable qui a tout contaminé. Je crois que ça vient du politiquement correct. Giraudoux, je crois, disait que la décadence du théâtre était liée à la décadence de la société. Si l’artiste cherche à être quelqu’un de bien socialement, à partir du moment où il dit : il ne faut pas faire ça, il ne faut pas dire ça, il est foutu. Je ne pense pas que Picasso ou Wagner étaient des gens recommandables, on s’en fout, sans parler de Céline et compagnie. Aujourd’hui, ceux qui se disent artistes sont le plus souvent des notables. Et ça donne “balance ton porc” : avant, les actrices étaient des cocottes, des poules (il faut relire Nana de Zola !), aujourd’hui, ce sont des bourgeoises qui sont choquées quand on leur met la main sur la cuisse… Je ne pense pas qu’Arletty aurait “balancé son porc”… C’est un embourgeoisement qui vient du copinage avec le pouvoir. Avant 1981, comme il y avait très peu d’artistes de droite, les ministres de droite — et il y en a eu de très grands, comme Michel Guy — nommaient les gens en fonction de leur qualité artistique. Vitez, qui était communiste, était nommé directeur de Chaillot, Jean-Pierre Vincent, qui était de gauche, directeur du Théâtre national de Strasbourg, et Jacques Toja, qui était de droite, à la Comédie-Française. Mais quand la gauche est arrivée au pouvoir, on a nommé des gens parce que c’étaient des amis… Et puis la droite s’est mise à avoir des complexes par rapport à Jack Lang, ce qui est quand même invraisemblable. 

    Francis Huster a dit récemment : « On ne peut pas être artiste sans être de gauche »… 

    Déjà, la gauche n’existe plus… Et puis, avoir une étiquette politique, ça veut dire qu’on est bien intégré dans la société. Or on est artiste parce qu’on n’arrive pas à croire aux codes de la société. C’est très récent, cette idée que l’acteur est de gauche… Je ne pense pas que Pierre Brasseur, Bourvil, Michel Simon, Harry Baur étaient de gauche. Ni de droite, d’ailleurs. Un des seuls acteurs qui se dit réac, c’est Luchini : il est détesté par la profession mais il remplit les salles, en faisant un travail très ambitieux, vraiment admirable. Moi je ne me sens ni de droite ni de gauche, même pas anarchiste. Je me sens dadaïste. Le dadaïste, c’est celui qui est contre le goût du jour. 

    Dans un entretien, vous avez dit ne pas supporter la “dictature culturelle” : comment se manifeste-t-elle ? 

    Quand j’ai osé dire que le théâtre de Joël Pommerat m’ennuyait, on m’a dit : « Tu n’as pas le droit de dire ça. » Ah bon, pourquoi ? Je vais aller en prison ? C’est hallucinant ! J’ai reçu des messages de gens qui me disaient : « Comment tu peux dire ça, c’est honteux… » 

    Est-ce que le problème du théâtre aujourd’hui, ce n’est pas aussi l’ego des metteurs en scène, qui se considèrent plus importants que l’auteur de la pièce… 

    Il y a toute une génération de metteurs en scène qui n’en ont rien à faire des auteurs, pour qui ils ne sont qu’un prétexte. Krzysztof Warlikowski dit : « Je déteste l’opéra, c’est un art bourgeois », et il gagne des fortunes en faisant cinq mises en scène d’opéra par an… C’est quelqu’un qui est payé très cher pour mépriser son public ! Stéphane Braunschweig monte Britannicus à la Comédie-Française, et il dit qu’il n’aime pas les alexandrins… Qu’il fasse autre chose, alors ! Mais ces gens-là ne s’adressent pas au public, ils s’adressent aux critiques. D’ailleurs tous les gens qui parlent de théâtre populaire, comme Olivier Py, s’adressent à des bourgeois privilégiés. Le théâtre populaire, ça n’est pas de jouer cinq fois à l’espace Cardin, c’est Chantal Ladesou qui tient l’affiche pendant un an avec Nelson ! Pour ma part, je ne dis pas faire du théâtre populaire : j’essaie de faire une oeuvre d’art, et puis j’espère que les gens vont venir, c’est tout. 

    Est-ce qu’il y a encore un avenir pour le théâtre ? Vous avez essayé d’enseigner au Conservatoire, puis jeté l’éponge assez rapidement… 

    Aujourd’hui, le Conservatoire national, c’est la mort. D’ailleurs, ils n’apprennent pas de grands textes, ils font de la vidéo, du tai-chi, de la danse… On leur met des micros HF, pour qu’ils jouent petit. La directrice parlait d’interdire Claudel au Conservatoire, sous prétexte qu’il était pétainiste ou je ne sais pas quoi… Mais en même temps, j’ai rencontré des jeunes qui avaient envie de faire du vrai théâtre. L’état des lieux est catastrophique, mais je ne suis pas pessimiste. C’est tellement terrible que du coup il peut y avoir une réaction.

     

     (source : Valeurs Actuelles 16/11/2017)

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    Enfin un acteur/metteur en scène a le courage de dire tout haut ce que bien des spectateurs pensent devant les merdes qu'on nous impose tant au théâtre qu'à l'opéra. Il oublie hélas de mentionner que les cours de théâtre sont envahis par de pseudos profs qui n'ont jamais mis les pieds sur une scène et que l'enseignement du primaire au secondaire voire supérieur ne fait qu'empirer la situation par le lamentable niveau auquel il est arrivé.  Par contre il se trompe quand il pense qu'il peut y avoir une réaction; sans culture élémentaire aussi bien spectateurs que réalisateurs et acteurs sont à tout jamais condamnés à sombrer dans un gouffre sans fond.


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  • la France et le monde du théâtre vient de perdre sa comète: Robert Hirsch.

    Il dépassait en talent, intelligence des textes,  diction, tous les acteurs actuels totalement incapable de donner la diversité des rôles qu'il a tenu, de Scapin à Tartuffe, de Bouzin à Arturo Hui, incroyable dans Crime et châtiment, monstrueux Néron de vice et de fourberie.

    C'était le phare avec son complice Jacques Charon d'une troupe d'une qualité exceptionnelle tant par les talents que par l'homogénéité : Charon, Hirsch, Piat, Boudet,Ducaux, Samie, Seigner, Toja, Debucourt, Deiber, Gaudeau, Sabouret,Duchaussoy et bien d'autres qui ont tenu la Comédie Française à bout de bras pendant trente ans; capables de jouer des rôles diamétralement opposés dans la même journée, tel Scapin à 14h et Néron à 20h! Essayez seulement aujourd'hui de faire faire un tel tour de force aux nullités qui massacrent, metteurs en scène à la rescousse, tout le répertoire immense de notre pays, galvaudé, méprisé par de soit disant comédiens dont la nullité intellectuelle et culturelle bat tous les records.

    Voilà où nous a mené, Mai 1968 et son cortège d'incapables qui ont refusé la sélection, mis parterre l'enseignement du primaire au supérieur, les professeurs sont aussi nuls que les élèves à qui on donne le bac à tout va pour respecter la sacro sainte sottise socialiste vivant en dehors des réalités les plus élémentaires.

    Pour moi la disparition de Hirsch c'est tout un pan de ma vie qui disparaît, je l'ai vu encore sur scène l'an dernier dans  Avant de s'envoler de Florian Zeller où il était bouleversant de vérité.

    Je n'ai pas honte de le dire, je me suis mis à pleurer en apprenant cette nouvelle qui était hélas prévisible, nous ne sommes pas éternels, en tous cas certains devrait pouvoir l'être...


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  • Je viens de lire en partie ce livre offert à mon fils par son meilleur ami, pour ses quarante ans.

    Monsieur Lévy agrégé de lettres classiques, fondateur de la revue Starfix s'est spécialisé dans l'analyse des productions cinématographiques.

    Avec ce livre il essaie de décrypter le phénomène James Bond dérivé des célèbres romans de Ian Fleming.

    Au départ de la lecture du livre, on est accroché par les deux ou trois premiers chapitres qui nous retrace un portrait intéressant de l'écrivain, de Sean Connery l'un des plus célèbres interprétes du rôle titre. 

    Hélas on déchante vite quand à l'instar des élucubrations philosophiques des auteurs d'une autre revue, les cahiers du cinéma, Monsieur Lévy veut nous faire chercher aussi bien dans les romans que dans les films autre chose qu'une source de divertissement.

    A un moment, on a quelqu'espoir de redescendre sur terre avec les interviews de réalisateurs de tous âges sur leur gout ou dégoût du genre, mais très vite hélas le délire se déchaîne quand l'auteur veut rapprocher les films et les personnages de légendes grecques,  telles celle du Minotaure ou autres sottises typiquement propres à ces écrivains chercheurs qui ne savent pas comment faire rentrer l'argent dans la caisse. Ils vivent sur leur petit nuage totalement déconnectés du monde réel.

    Alors soyons directs: Les romans si divertissant soient-ils ne sont que des romans de hall de gare. Rien à voir ici avec la profondeur des œuvres d'Agatha Christie ou d'Arthur Conan Doyle. J'en veux pour preuve la médiocrité des traductions françaises confiées visiblement à des auteurs de second ordre n'ayant pas une maîtrise totale de la langue Anglaise; ce que souligne d'ailleurs Lévy à plusieurs reprises. Fleming se sert de son expérience et des personnes qu'il a rencontré pendant et après la seconde guerre mondiale, pour construire le personnage de "James". Il meurt à 56 ans d'un infarctus.

    Quant aux films ce sont des fictions, souvent empreintes d'un humour tout britannique où le personnage principal à plusieurs reprises nous envoie un clin d’œil pour nous ramener sur terre et nous dire en quelque sorte: "Vous voyez comme je me paie votre bobine!". Du moins c'était le cas jusqu'à la fin des films incarnés tour à tour par Connery, Moore, Dalton et Brosnan. Mais déjà dans les films de ce dernier la dérive propre au cinéma d'action actuel, s'amorce et la violence pour la violence prend progressivement le dessus comme le prouvent les derniers films où l'espion prend le visage de Daniel Craig, visage inexpressif, complètement en porte à faux avec le personnage des livres et qui baigne dans une violence insupportable doublée selon les circonstances de repères sexuels pour faire à la mode, telle la scène de torture de Casino Royale aux relens sm/gays des plus infectes. Quand on a rien à dire on tombe dans ce genre de films qui font émerger tout ce qu'il peut y avoir de pervers dans la nature humaine. N'ai-je pas entendu un jour deux hommes ayant passés la trentaine et parlant d'un film en 3D, l'un disant à l'autre "Ce qu'il y a de génial dans le film c'est que quand le sang gicle tu as l'impression de le recevoir en pleine figure, c'est vachement  cool"!

    Non Monsieur Lévy quand on va voir un Bond on ne pense pas à Kant, Freud ou autre psy qui avec vous on sérieusement besoin d'une bonne séance de psychanalyse pour vous ramener aux réalités.

    Un livre à éviter!


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