• A complex Fate de Ken Cuthbertson

    Ce livre est la biographie du journaliste William L. Shirer dont je commente ici plusieurs ouvrages.

    Shirer (1904-1993) pour ceux qui ne le connaissent pas fut un des plus importants journalistes et correspondants à l'international de la première moitié du XXe siècle.

    Né dans le midwest d'une famille de la moyenne bourgeoisie, ayant par son père une ascendance allemande, son nom fut américanisé de Sheurer à Shirer, perdit celui ci alors qu'il avait neuf ans. Sa mère due subvenir à l'éducation de ses trois enfants dont Shirer est le second.

    Très tôt il s'intéresse au journalisme et s'occupe du journal de son université à Cedar Rapids. Alternant de boulots en boulots d'été il aide également sa mère en subvenant en partie à ses études. 

    En 1925 il part avec un copain sur un transporteur de bétail pour l'Europe pour réaliser son rêve de sortir de l'atmosphère puritaine et étriquée des USA en pleine prohibition à l'époque. Après un court séjour à Londres il arrive à Paris et tombe amoureux de la ville lumière devenue l'un des berceaux des arts et où les plus grands écrivains américains sont venus eux aussi chercher une ouverture d'esprit propre à stimuler leur créativité (Hemingway, Sinclair Lewis, John dos Passos, Gertrude Stein, etc...) 

    A tout hasard il contacte les correspondants américains des grands journaux US dont le Chicago Tribune. Dans ses mémoires il raconte comment la veille de son retour pour les USA, rentrant d'une folle bringue avec son copain à leur petite chambre du boulevard de Port Royal, il aperçoit un télégramme parterre qu'il laisse trainer sur la table tandis qu'il se couche pour se remettre d'une terrible gueule de bois! Le lendemain matin faisant sa valise il aperçoit le télégramme et découvre une offre de rendez vous au journal (Chicago Tribuneà pour 21h. En dépit des mises en garde de son ami il renonce à partir, ère toute la journée dans les rues de Paris dans l'attente fébrile du rendez vous. Le soir le directeur du journal lui offre un poste de pigiste à 15 francs par mois!

    Il accepte de travailler de la fin de l'après midi à 3h du matin commençant le soir même. 

    C'est le début d'une carrière en Europe qui durera 15 ans, le conduisant de Paris à Vienne, un séjour de près de deux ans aux Indes où il fera la connaissance de Gandhi qui jouera un grand rôle dans sa perception de l'existence tout au long de sa vie, puis le Berlin des années cauchemars du régime Nazi, Vienne au moment de l'anschluss, la Suisse.

    Il rentre aux USA fin 1941 se sentant menacé par la gestapo à Berlin qui n'arrête pas de le censurer. Entre temps en 1937 il fait connaissance, là encore de manière fortuite et sans y prendre un grand intérêt, de Ed Murrow représentant de CBS à Londres et qui veut étoffer en Europe continentale le réseau de correspondants chargés de transmettre par la radio les nouvelles européennes. Il devient alors l'un des premiers du groupe de journalistes de la radio commençante qu'on appellera "les Murrow Boys". Pour la première fois dans l'histoire de ce média l'Amérique peut entendre en direct les nouvelles venant de Berlin et commentant des faits majeurs du Reich.

    Il sera le premier à transmettre à son insu et en direct, la reddition de la France en juillet 1940 à Rethondes dans le wagon où les alliés reçurent la reddition sans conditions de l'Allemagne. Hitler se vengeait ainsi de l'humiliation subie en 1918.  En effet les techniciens allemands qui devaient enregistrer le commentaire et l'envoyer à Berlin pour visa de la censure, se trompèrent dans leurs connexions et la retransmission passa en direct sur les ondes courtes!

    De retour aux USA il continue à travailler chez CBS mais en 1947 il devient l'une des victimes du McCarthisme et de la chasse aux soit disant comploteurs communistes. William Paley président de CBS le met à la porte  sous le prétexte d'une baisse d'audience de son émission sponsorisée par une grande entreprise américaine. En réalité l'entreprise cesse de le sponsoriser en raison de ses opinions libérales assimilées à l'époque, comme souvent encore aujourd'hui, à des idées communistes. Ed Murrow devenu alors directeur général n'a pas le courage de tenir tête à Paley, plusieurs membres des Murrow Boys craignant pour leur job, s'abstiennent de le soutenir. Ce sera le début des années maigres où sans emploi, rejeté par tous les groupes de médias américains il vivotera avec sa famille pour subvenir à leur existence en donnant des conférences. Il a entre temps publié son journal de Berlin (Berlin diaries) qui fut un premier best seller.

    Mais le grand tournant arrive quand en 1960 il publie ce qui devient sans doute la référence, son livre "The Rise and Fall of the Third Reich". Contre toute attente, alors que son éditeur émet les plus grandes réserves sur l’intérêt que porteront les lecteurs à une histoire vieille de plus de 20 ans, le livre devient un best seller qui en quelques années atteint un tirage de plus de 2 millions d'exemplaires, sera traduit en plusieurs langues dont l'allemand ce qui décharnera un vent de protestations jusqu'au gouvernement de Conrad Adenauer prétendant que Shirer veut inciter à la haine de l'Allemagne et que les faits rapportés sont entachés d'erreurs grossières voire de contre vérités. En réalité Shirer a pu avoir accès à l'ensemble des archives secrètes Nazis ramenées par les Américains après la chute du Reich et le procès de Nuremberg. Ce sont des milliers de documents que Shirer épluchera et consultéra pour la première fois grâce à l'aide active des bibliothécaires des archives. Personne jusque là n'avait ouvert les cartons les contenant!

    Suivront d'autres publications au succès plus ou moins grand dont le livre sur la 3e république française que j'ai commenté dans un précédent article et enfin ses trois tomes de mémoires dont le fabuleux second tome traduit en français: "The Nightmare years "("Les années cauchemars" réédité recemment dans la collection Texto des éditions Taillandier) témoignage époustouflant de son activité berlinoise pendant le Reich. 

    S'il n'y avait que deux livres à lire, jeunes et moins jeunes doivent se plonger sur les deux ouvrage dédiés au troisième Reich et ses méfaits et crimes contre l'humanité. Shirer dans le second nous fait vivre au fil des jours ses angoisses, sa stupeur, son incapacité à comprendre comment un pays qui donna naissance à Goethe, Wagner, et bien d'autres génies littéraires et musiciens pu tomber dans une pareille folie criminelle jusqu’au dernier jour de sa ruine.

    Par son style direct, sans emphase, sans prétention intellectuelle à l'instar des historiens universitaires qui le lui reprochent d'ailleurs, il réussit à rendre abordable et prenante l'histoire de cette première moitié du XXe siècle telle un roman policier ou d'aventure à la Alexandre Dumas.

    Shirer est aussi un homme hypersensible ce que nombre de ses critiques n'ont pas l'air de comprendre, même l'auteur de cette biographie remarquable et qui est un complément à ses mémoires indispensable pour comprendre ce très grand journaliste américain.

    Ce fut aussi jusqu'à sa mort, un homme qui comme le dira sa fille avait un mental de 20 ans dans un corps de 80, amoureux de la femme et n'arrêtant pas jusqu'au terme de sa vie à flirter avec des femmes de 20 à 30 ans plus jeunes; il se maria trois fois; multilingue il parle couramment outre sa langue maternelle, le Français, l'Allemand, l'Espagnol et l'Italien  prendra sur le tard des leçons de russe avec celle qui deviendra sa troisième épouse et l'aidera dans la rédaction de son dernier ouvrage consacrer à la fin agitée et dramatique du couple Tolstoï. Russe émigrée aux USA elle sera à ses cotés jusqu'à son dernier soupir marqué par des hallucinations faisant défiler dans son pauvre corps miné par la maladie, des souvenirs des années cauchemars.

    Je ne saurai trop vous conseiller de lire cette biographie et les ouvrages de Shirer encore une fois. Vous y trouverez entre autre un certain parallèle avec la période que nous vivons dans les circonstances agitées qui marquent ces dernières années et comportements totalements irresponsables de ceux qui nous gouvernent depuis plus de trente ans sans parler de ceux qui les ont élus.

    Dieu fasse s'il existe que l'on ne voit pas surgir un nouvel Hitler dans un des états qui soutiennent l'intégrisme musulman actuel! Ceci n'est nullement une imagination destinée à susciter la peur comme certains pourraient le croire.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 14 Janvier 2016 à 00:00

    Coucou mon ami Claude,

    oh la la trop à lire à cette heure, à n'importe quelle heure, il est temps d'aller au lift ce serait plus sage.

    Je suis d'accord avec ta dernière phrase, je la retendrai dans ma prière... puisse que Dieu fasse...

    Bise au beau gosse de 2009! happy

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