• Retour à Vaux le vicomte

      (souvenirs et mémoires)posté le jeudi 18 octobre 2007 17:24

    Le chateau de Nicolas Fouquet malheureux surintendant des finances de Louis XIV, à Vaux le Vicomte reste pour moi l'une des merveilles de l'art français du 17eme siècle. Précurseur de Versailles, il porte en lui un caractère profondément humain que près de quatre siècles n'ont pu effacer.

    Je suis allé récemment revoir ce merveilleux endroit en compagnie d'un de mes amis à qui je le faisais découvrir dans sa magie tout éclairé aux chandelles.

    Le château de Vaux le vicomte fait partie de mes endroits préférés, il est habité au sens figuré du terme ce qui n'est pas le cas de la majorité des châteaux célèbres de notre pays. Cela n'enlève rien aux autres, mais contrairement à la froideur telle un être figé dans l'au delà, ici tout y semble vivant et l'on se prend dans le parc près du théâtre de verdure à voir apparaître le grand Molière dans le costume des Fâcheux qu'il créa ici.

    J'ai voulu rappeler le tragique destin de son propriétaire qui par maladresse plus que par prétention, scella son destin fortement entamé par les intrigues du parti de Colbert en invitant le roi le 17 août 1661 à une somptueuse fête. 

    A l'issue de la soirée Louis XIV quitta les lieux fou de rage devant l'étalage de luxe et de richesses de son ministre des finances. Comment un ministre pouvait-il paraître plus riche que lui dont l'Etat était exsangue suite à la guerre civile de la Fronde.

    Le roi oubliait en passant que sans l'intervention multiple de Fouquet, il eut perdu la guerre, car c'est grâce à l'entregent de son ministre que celui ci l'aida à financer son combat et à le gagner. Ce n'était nullement faire des malversations à l'époque que de recevoir des pots de vin dans des transactions financières faisant intervenir l'Etat. On se prelevait une commission au passage et Colbert si moralisateur en la matière en fit tout autant que Fouquet!

    Louis XIV songea dit-on à faire arrêter Fouquet à l'issue de la soirée. Ce serait sa mère Anne d'Autriche qui l'en aurait empêché, arguant de la bienséance: "on n'arrête pas son hôte chez lui" aurait-elle dit à son fils.

    La chute du ministre était d'ores et déjà acquise dès le 4 Mai 1661.

    Contrairement à ce que l'on a fait croire à l'époque l'examen des comptes de Fouquet fait ressortir un solde financier négatif et l'on ne peut pas dire qu'il se soit enrichi aux dépends de l'etat. Sans doute a-t-il manqué de retenue et ceci doit -être une des causes des excés et des raisons qui firent prêter le flanc aux critiques et à l'animosité de ses adversaires.

    Par ailleurs dès la mort de Mazarin, Louis XIV avait fait savoir à tous, qu'il n'y aurait plus de premier ministre et qu'il prenait entre ses mains seules les rênes du pouvoir. Fouquet fut sans doute profondément déçu de voir echapper un poste qu'il briguait en remerciement de son dévouement pendant la Fronde.

    15 jours aprés la magnifique fête de Vaux, le 5 septembre 1661, Louis faisait arrêter par d'Artagnan, Nicolas Fouquet sur la place du parlement de Nantes, non sans avoir poussé le cynisme de s'être entretenu avec lui quelques minutes plus tôt...

    Aprés un procés truqué, où nombre de pièces du dossier furent tout simplement fabriquées par Colbert et sa clique, la cour de justice comdamna à une faible majorité Nicolas Fouquet au bannissement à perpétuité.

    Louis XIV accueillit la nouvelle fou de rage car il escomptait un verdict de peine de mort.

    Fait sans précédent dans les annales de la justice de l'Ancien Régime, le roi commua la peine en emprisonnement à vie dans la sinistre forteresse de Pignerolles prés de la frontière italienne. Fouquet y rendra le dernier soupir le 3 Avril 1680 aprés quatorze années d'emprisonnement.

    Outre la magnificence de Vaux le vicomte, Fouquet reste dans les mémoires comme l'un des mécènes les plus illustres que la France ait jamais connu, on peut en juger par ce paragraphe de l'encyclopédie Wikipedia:

    Fouquet fonde un salon à Meudondès à la fin de la Fronde. Il y attire Paul Pellisson,Charles Perrault, Quinault, Ménage , La Fontaine. Il fréquente aussi des scientifiques comme le médecin Samuel Sorbièreou le philosophe La Mothe Le Vayer. Dès 1660, il s'intéresse à Molière .

    À Vaux, son salon réunit plutôt des précieux. Fouquet lui-même écrit poèmes, chansons, énigmes et bouts-rimés, suivant la mode de l'époque. Il pensionne de nombreux poètes, comme Corneille (2000 livres par an), Scarron(1600 livres) ou encore Gombauld (1000 livres), et protège le sculpteur François Anguieret son disciple François Girardon, ce dernier fut avec Mansard à l'origine de la place Vendôme ù se dressait la statue equestre du Roi aujourd'hui détruite mais la seule copie signée se trouve au Louvre.

    Sa générosité à l'égard des artistes en fait l'un des mécènes les plus puissants de France, bien devant le cardinal Mazarin et même le roi [34]. En remerciement, Corneille dédie son Œdipe (1659) au surintendant, « pas moins [celui] des belles-lettres que des finances », et Madeleine de Scudéry le place dans sa Clélie, histoire romaine au même rang que Richelieu en tant que protecteur des arts et des lettres.

    Enfin rappelons que Le Vau, Le Brun et Le Notre travaillent à la réalisation de ce chef d'oeuvre architectural et artistique. Louis XIV si dur pour les amis de Fouquet et ses juges (La cour de justice siègera jusqu'en 1669 et en condamnera plus d'un), reconnaîtra les talents de ses trois grands noms et nommera en particulier Le Notre, Jardinier du ROI, ce qui nous vaudra le magnifique parc du Chateau de Versailles.

    Pour ceux qui souhaitent lire une excellente biographie de Fouquet, lire l'excellente écrite par Jean-Christian Petitfils un de nos meilleurs historiens actuels; outre cet ouvrage il a écrit un livre sur l'Affaire des poisons ainsi qu'un Homme au masque de fer où il apparait enfin le nom de celui qui se cachait sous ce masque en réalité fait de cuir.

    La Fontaine qui fut un des défenseurs du surintendant ainsi que Mme de Sévigné et Mlle de Scudéry entre autres, dédia au ministre cette magnifique "Élégie aux Nymphes de Vaux" particulièrement touchante où le poète tente de susciter l'indulgence du Roi vainement.

    POUR M. FOUQUET

    Remplissez l'air de cris en vos grottes profondes;

    Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes,

    Et que l'Anqueuil enflé ravage les trésors

    Dont les regards de Flore ont embelli ses bords.

    On ne blâmera point vos larmes innocentes;

    Vous pouvez donner cours à vos douleurs pressantes:

    Chacun attend de vous ce devoir généreux;

    Les Destins sont contents: Oronte est malheureux.

    Vous l'avez vu naguère au bord de vos fontaines

    Qui, sans craindre du Sort les faveurs incertaines.

    Plein d’éclat, plein de gloire, adoré des mortels,

    Recevait des honneurs qu'on ne doit qu'aux autels.

    Hélas ! qu'il est déchu de ce bonheur suprême !

    Que vous le trouveriez différent de lui-même !

    Pour lui les plus beaux jours sont de secondes nuits:

    Les soucis dévorants, les regrets, les ennuis,

    Hôtes infortunés de sa triste demeure,

    En des gouffres de maux le plongent à toute heure.

    Voilà le précipice ou l'ont enfin jeté

    Les attraits enchanteurs de la prospérité !

    Dans les palais des rois cette plainte est commune,

    On n'y connaît que trop les jeux de la Fortune,

    Ses trompeuses faveurs, ses appas inconstants;

    Mais on ne les connaît que quand il n'est plus temps.

    Lorsque sur cette mer on vogue a pleines voiles,

    Qu'on croit avoir pour soi les vents et les étoiles,

    II est bien malaisé de régler ses désirs;

    Le plus sage s'endort sur la foi des Zéphyrs.

    Jamais un favori ne borne sa carrière;

    Il ne regarde point ce qu'il laisse en arrière;

    Et tout ce vain amour des grandeurs et du bruit

    Ne le saurait quitter qu’après l'avoir détruit.

    Tant d'exemples fameux que l'histoire en raconte

    Ne suffisaient-ils pas, sans la perte d'Oronte ?

    Ah ! si ce faux éclat n'eût point fait ses plaisirs,

    Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs,

    Qu'il pouvait doucement laisser couler son âge !

    Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage,

    Cette foule de gens qui s’en vont chaque jour

    Saluer à longs flots le soleil de la Cour:

    Mais la faveur du Ciel vous donne en récompense

    Du repos, du loisir, de l'ombre, et du silence,

    Un tranquille sommeil, d'innocents entretiens;

    Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens.

    Mais quittons ces pensées: Oronte nous appelle.

    Vous, dont il a rendu la demeure si belle,

    Nymphes, qui lui devez vos plus charmants appas,

    Si le long de vos bords Louis porte ses pas,

    Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage.

    Il aime ses sujets, il est juste, il est sage,

    Du titre de clément rendez-le ambitieux:

    C'est par là que les rois sont semblables aux dieux.

    Du magnanime Henri qu'il contemple la vie:

    Dès qu’il put se venger, il en perdit l'envie.

    Inspirez à Louis cette même douceur

    Oronte est a présent un objet de clémence

    S'il a cru les conseils d'une aveugle puissance,

    Il est assez puni par son sort rigoureux;

    Et c’est être innocent que d'être malheureux.

    * Ecrit en 1661, suite à l’arrestation de Fouquet


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 11 Février 2016 à 23:38

    Bonsoir Claude,

    je n'ai pas eu l'heur de visiter ce château hélas;

    mais tout n'est pas encore perdu...

    Bel article très instructif.

    Bonne soirée et bises

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