• La tétralogie du bicentenaire de Wagner au Met sous la direction de Robert Lepage. 

    Prologue:

    Le texte qui va suivre est la résultante de courriers échangés avec des amis wagnériens et donc écrits sur le vif au fil du visionnage des 8 blu-ray constituant le coffret de cet ouvrage donnés lors de la  production du bicentenaire de Wagner au Metropolitan Opera de New York. 

    On passe donc de l'enthousiasme initial aux réserves progressives que la découverte de cette réalisation provoque. J'ai voulu sortir du cadre rituel, ennuyeux et souvent pseudo scientifique des débats sur les œuvres musicales pour donner le sentiment du spectateur lambda assistant à ces représentations. Il n'a pas les moyens en général de payer près de 400$ un fauteuil d'orchestre et verra le spectacle soit sur son sofa, soit dans un des derniers rangs du dernier étage du Met, salle de près de 4000 places. 

    Les puristes bien entendu crieront au scandale, comment ai-je l'audace de traiter par la dérision cette œuvre monumentale. Je leur répondrai que qui aime bien châtie bien. J'adore les œuvres de Wagner, je les ai toutes soit en cd soit en dvd; j'ai mis des années à la comprendre et je dois remercier Pierre Boulez, Chéreau et Peduzzi de m'avoir fait aimer ce compositeur grâce à leur fantastique production du centenaire de 1976 pour le festival de Bayreuth. 

    Je vis la musique avec passion; pour me satisfaire il faut m'émouvoir, qu'un acteur joue vrai. Je vais paraitre trop exigeant sur certains points dans ce qui va suivre pour ces raisons. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas conscient des difficultés des métiers mis en cause. Bien au contraire. Il ne me viendrait pas à l'idée de siffler un artiste car je suis conscient des difficultés auxquelles il est confronté voire des événements qui peuvent venir troubler sa concentration.

    Encore une fois quand un metteur en scène et son décorateur et ses interprètes vous assènent une telle claque, tout spectateur ayant un temps soit peu de sensibilité est comme sous hypnose et ne peut réagir que par le silence et la méditation à la fin du spectacle. Les applaudissements à tout rompre immédiatement à la fin voir même par dessus les dernières notes de la partition me paraissent mal à propos. Il y a dieu merci des salles qui ont cette sensibilité traduite par le silence. L'un des plus beaux exemples fut donné au Festival de Lucerne après l'interprétation du Requiem de Mozart sous la direction du regretté Claudio Abbado, près d'une minute d'un silence total de la salle totalement bouleversée par l'oeuvre et le chef et le magnifique orchestre du festival composé des premiers pupitres des plus grands  orchestres mondiaux. Il est vrai aussi que nous savions tous que le grand chef allait nous quitter sous peu.

    Le grave défaut des spectateurs dans bien des pays et aux Etats Unis tout particulièrement est de ne pas savoir se mettre en état de réception totale d'une œuvre; j'ai ainsi dû remettre à leur place au Met, mes voisins pendant l'ouverture de Parsifal qui poursuivaient leur conversation tranquillement alors que le spectacle avait commencé. Ceci est constant à Paris à l'opéra comme au concert. 

    Enfin si vous n'avez pas le sens de l'humour, n'acceptez pas qu'on brocarde des artistes même avec une certaine dose de méchanceté alors qu'on les admire par ailleurs, n'allez pas plus avant, sinon j'espère que vous vous amuserez un peu à mes délires épistolaires. Je m'excuse pour la longueur de cet article mais on ne résume pas 16 heures de musique en dix lignes.

    ACTE I - L'or du Rhin 

    Je viens de recevoir la tétralogie dans la production de Robert Lepage donnée au Met au cours des trois dernières saisons et viens de projeter l'Or du Rhin. J'ai la chance de posséder une installation vidéo projetant sur un écran de 2.40m de diagonale mes vidéos. La qualité de l'image et du son font que je suis dans des conditions idéales de silence et de vision pour avoir quasiment l'impression d'être dans la salle de l'opéra.

    On reste scotché sur son fauteuil par cette réalisation qui enfin respecte à la lettre les intentions de Wagner au plan scénique. C'est un véritable tour de force qui même n'étant pas dans la salle vous coupe le souffle. Carl Fillion a eu une idée de génie avec son système à géométrie variable ainsi que l'emploi en vraie grandeur des projections et effets spéciaux numériques. Le chant des interprètes et leurs déplacements entrainent instantanément un déplacement d'éléments des projections. Quand les filles du Rhin se déplacent au fond du fleuve, le gravier bouge en même temps sous elles. Si Siegfried tape sur une feuille projétée par terre, elle traverse tout le plateau.Ils s'agit véritablement de vidéo haute définition interactive; l'image est projetée sur des lattes de bois qui peuvent être individuellement inclinées selon les besoins de la mise en scène. L'ensemble de l'installation pesait si lourd que le Met dut faire renforcer le plancher du plateau de crainte qu'il ne s'effondre!

    Passons à l'aspect strictement musical de cette production. 

    En ce qui concerne les appréciations et vivats pour la direction de Levine, je dois dire ne pas avoir été impressionné. Je n'irai pas jusqu'au bout de ma pensée en me disant que sans doute les problèmes de santé qui l'ont amené à ne pas aller jusqu'au bout des quatre journées et décidé d'arrêter après la Walkyrie expliquent le manque que j'ai éprouvé dans sa direction. 

    J'imagine ce qu'un Boulez aurait fait de cette production du seul point de vue sonore. Je sais, là encore je vais me faire des ennemis, mais honnêtement c'est le dernier de mes soucis. 

    La distribution de cet or du Rhin est de qualité, mais n'atteint pas au vu de cette seule journée le niveau de celle du centenaire avec la production Chéreau. Cela dit, le Wotan de Bryn Terfel est excellent même si j'ai une préférence pour Donald Mc Intyre de Chéreau; la Fricka de Stéphanie Blythe possède une grande humanité et une certaine fragilité. Si je disais tout ce que je pense par ailleurs on me clouerait au pilori voir pire. Je n'en dirai donc pas plus. 

    Il y a un excellent Mime ( Franz-Josef Selig), l'Alberich d'Eric Owens est tout à fait convainquant dans la scène du Nibelheim et la suivante quand il résiste à Wotan et Loge pour leur donner l'anneau. Deux bons géants qui se ressemblent tellement qu'on les croirait deux vrais frères jumeaux, mais bien entendu on n'oublie pas Salminen et Hübner de Bayreuth en 76... 

    En un mot ou une phrase, 163 minutes (l'Or du Rhin) de pur bonheur, une soirée en complète adéquation avec le livret et les intentions du compositeur. On a laissé au vestiaire les clichés antisémites et autres élucubrations de metteurs en scène qui veulent d'abord faire parler d'eux, considèrent que ce Wagner est en fait un type qui n'a strictement rien compris à ce qu'il a composé! 

    Ici dieu merci pas de pareilles détournements; Robert Lepage s'en explique d'ailleurs dans l'excellent documentaire de près de deux heures qui accompagne le coffret, il a étudié à fond les poèmes de L'Edda base indispensable à la compréhension des légendes nordiques sur lesquels Wagner passionné par le sujet, s'est appuyé pour écrire son livret. Cela s'appelle du travail de pro. 

    Hélas cela n'allait pas complètement durer... 

    ACTE II - La walkyrie:

    Avoir la chance de posséder des moyens techniques sans précédent, et rater sans doute l'un des plus beaux actes de toute la tétralogie, voilà le résultat inouï du travail de Robert Lepage et de son décorateur pour cette deuxième journée de la Tétralogie. On reste confondu pendant tout le 3eme acte par l’amoncèlement d'erreurs de mise en scène, de casting et ne parlons pas de la scène finale ratée dans toute sa longueur. 

    Mais avant d'aborder le massacre commençons par le début.

    Au premier acte comme chacun sait, on est chez Hunding. Décor saisissant de relief donnant l'illusion d'être fait de troncs d'arbres mis cote à cote. Selon les scènes ils seront plus ou moins écartés donnant alors l'illusion d'une forêt dans laquelle Siegmund est poursuivi pas les sbires de Hunding. C'est le cas en particulier pendant le prélude de l'acte. C'est une excellente idée de faire précéder la première scène de l'oeuvre par ce qui se passe avant que le spectacle ne commence. Un comédien comme le spectateur doit toujours se dire que lorsqu'il commence une pièce, il y a des événements non écrits qui précèdent la première et expliquent ce que dira l'acteur en commençant. Ici Siegmund fuit ses ennemis, nous ne saurons que plus tard qui ils sont.

    A bout de forces apparaît Siegmund (Jonas Kaufmann) qui se réfugie dans la maison dont on suppose qu'il a trouvé la porte ouverte. Paraît Sieglinde, la femme de Hunding, qui prend pitié de lui (Siegmund, Siegmounet pour les intimes; on ne chuchote pas au fond de la salle, ON SUIT!) et lui donne de quoi reprendre des forces, survient alors Hunding qui propose un repas au héros et tandis qu'il se sustente, on découvre que Siegmund est l'ennemi juré de la famille de Hunding. 

    Ils combattront le lendemain tandis que confirmant les lois de l'hospitalité, Hunding offre le gîte au jeune homme pour la nuit à venir. Restés seuls Sieglinde avoue son malheur d'avoir été forcée d'épouser le maître du logis et les deux jeunes gens découvrent enfin qu'ils sont frère et sœur jumeaux. Siegmund prévenu par sa sœur réussit à dégager l'épée enfoncée jusqu'à la garde par Wotan dans le frêne présent dans la pièce et jure de libérer celle ci et la considère comme son épouse. On n'est pas à un inceste près chez Richard et encore moins un adultère! ça donne du piment à l'oeuvre, pas vrai?  Tous deux quittent précipitamment la maison tandis que leurs adversaires se préparent à les poursuivre. 

    Hunding  c'est Hans Peter König et Sieglinde, Eva Maria Westbroek. Ils sont parfaitement crédibles, de véritables comédiens/chanteurs. On ne saurait faire plus vraie que cette scène qui rappelle par sa justesse celle de la production Chéreau également servie par un couple parfait, Altmeyer et Peter Hofman. On y croit, même si l'on atteint pas au quasi érotisme de la production Chéreau. On est à des années lumières de la production du Met de 1990 pour des raisons évidentes pour ceux qui l'ont vu ou ont les dvd enregistrés à l'époque. Comment croire en effet à deux pachydermes de 150kgs, Jessy Norman, Gary Lakes. Quand Siegmonet enlaçait Sieglounette, outre que l'un ne pouvait combler la distance séparant les lèvres de l'autre vue la taille des "roberts" de la dame, on se demandait comment 300kgs réunis sur une circonférence du plateau d'un peu plus d'1.50m de diamètre pouvait supporter un tel poids plume! Cela m'avait à l'époque rappelé un autre tour de force quand Caballé avait enlacé Placido Domingo au final de Turandot à Garnier, on s'attendait à ce que les pompiers de service accourent pour ranimer le pauvre ténor au bord de l'asphyxie la tête coincée dans le pare-choc de la diva! Un de mes amis méchamment disait que lorsque Caballé entrait en scène on commençait d'abord par voir le bout de ses seins, puis dix minutes plus tard la grande soprano! Quand même! Y a plus de respect, j'vous l'dis moi madame!

    Au second acte nous sommes chez Wotan et Fricka. Alors que Wotan enjoint à sa fille Brünnhilde (Deborah Voigt) de défendre coûte que coûte la vie de Siegmund, Mme Wotan se pointe et commence la fameuse scène de ménage de près de 21 minutes entre les deux personnages. 

    Ici pour la première fois on est pris par l'action et la scène ne semble pas du tout longue tant Stéphanie Blythe est convaincante dans son rôle. Trônant sur son fauteuil aux accoudoirs de cornes d'animal préhistorique, elle toise Wotan, lui dit ses quatre vérités, l'accuse d'adultère à répétition et enfin de soutenir un inceste caractérisé. Il n'est pas question  de transiger avec Mama, elle veut la peau du fiston quel que soit le chagrin que sa perte lui coûte, le chagrin enfin faut pas exagérer, c'est sur son sort de femme bafouée que Mama Wotan pleure de toutes les larmes de son corps. Elle sait pleurer, elle! Elle  a d'amples réserves lacrymales! (Je suis abominable et en plus fier de l'être!!). La scène est d'autant plus bouleversante que le pire arrive. 

    BruBru revient pour dire adieu à papa et courir après Siegmund. Mais là papounet finit par céder à sa femme et change d'avis, faut tuer le méchant fiston et gare si on désobéit! Cette scène aussi est assez longue et l'on aurait pu espérer qu'elle soit parfaite; hélas il n'en est rien car on découvre que Mme Voigt en dehors de bien chanter est la pire comédienne qui soit; Elle est là, sourire aux lèvres alors qu'on lui demande de tuer son frangin ou du moins de ne pas l'aider et de faire tout pour qu'il soit zigouillé par son rival. Du coup face à une interprète pareille Wotan perd tout son punch et le pauvre Terfel en perd tous ses moyens. 

    Oh bien sûr, interviewé en coulisse, il dira que Miss Voigt est sublime, on se soutient entre copains, copines! 

    Le duo suivant avec Siegmund est aussi indigeste que le précédent toujours à cause de la même BruBru qui est aussi convaincante qu'un frigidaire alors que progressivement elle va décider de ne pas suivre les ordres de papa. En pincerait-elle pour le beau Siegmund? Hé, hé, ça se pourrait bien. On la comprend, mais pas certain que ce soit réciproque! Décidément l'inceste est à l'honneur ici! Mon Dieu quelle famille, dirait Feydeau! Suit enfin le combat et devant la désobéissance de sa fille Wotan intervient pour briser l'épée de Siegmund mais s'octroie une vengeance sur sa femme en tuant aussi Hunding. Les deux jeunes filles fuient en emportant les restes de l'épée. 

    On arrive au troisième acte. Alors là la réalité dépasse la friction, pardon la fiction! 

    Déjà il y a le ridicule du levé de rideau avec les nanas chevauchant leur planches et voulant nous faire croire qu'elles sont à cheval par le mouvement de balançoire qu'elles essaient de leur imprimer à force de biscoteaux (de ce coté, ça va elles sont équipées!). 

    Ensuite comme le disait Jean-Louis un de mes anciens collègues wagnériens, le décorateur a été chercher à l'hosto voisin des restes de dissection et nous montre ces dames emballant ces restes humains dans des linges ou lingettes à défaut de bandelettes! "T'as vu chérie les paluches du mec! Pas mal non?". Remarquez à Paris les nanas étaient en infirmières masseuses de mecs totalement à poil, lesquels avaient des réactions très visibles dont je vous laisse imaginer la teneur et l'ardeur! Y en a qui étaient aux anges sur scène comme dans la salle!

    Puis est censée arriver Brünnhilde. Le problème c'est que venant à cheval, elle va à son tour faire un coup de balançoire et de toboggan (ben quoi! on reste jeune, pas vrai?) tandis que ses sœurs désignent du doigt, coté spectateurs, cette charmante pépé qui est derrière elles! On a envie de demander à BruBru de faire signe à ses copines de regarder du bon coté quand même! C'est pas difficile même avec une armure, une épée ou une lance! Ben non pas question, les sœurettes y tiennent à regarder le public les yeux dans les yeux! T'as d'beaux yeux tu sais! 

    Moment de répits quand Sieglinde, revenant à elle, "où suis-je", "wo bin ich" en VO, montre sa détresse tandis que BruBru, elle, a l'air de trouver ça vachement marrant! Sourire resplendissant très Colgate aux lèvres, jusqu'aux oreilles! Cling!!!

    Arrive papa, c'est qu'il est pas content le vieux! "Non mais, c'est moi qui donne les ordres alors pas question d'en faire à sa tête! J'ai dit zigouille alors zigouille!" 

    Là encore tout le petit monde planté comme des piquets, je devrais dire des pieux, face public, se regardant du coin de l'œil du moins pour l'un d'entre eux, celui qui lui reste, je rappelle que Wotan est borgne, et Mimi BruBru toujours hilare! 

    Quand on en arrive à la scène finale on a complètement décroché, secoué entre le fou rire et l'envie de hurler baisser le rideau! Assez! 

    Pas un instant on ne croit à la détresse de Wotan, mais comment être dans le coup quand votre partenaire a l'air d'être de passage avant de prendre le prochain vol d'American Airlines pour le Festival de Cannes! 

    J'arrêterai ici le compte rendu de ce qui est une lamentable erreur de casting. Qui a auditionné Mme Voigt? Qui a vérifié ses capacités dramatiques? Ce n'est pas le tout encore une fois d'avoir du coffre et de chanter toutes les notes, il faut encore savoir jouer, et surtout montrer qu'on se sent impliqué dans son rôle et pas là en touriste histoire de toucher le cacheton qui doit pas être triste en dollars. 

    On critiquait Gwyneth Jones dans la production Chéreau, mais même avec des faiblesses vocales, elle avait du punch, on y croyait du début à la fin, on avait envie de la plaindre. Mc Intyre était crédible et vous faisait frissonner et pleurer d’émotion tant il jouait vrai. L'embrasement du rocher était inouï de réalisme.

    Ici c'est la foire du trône transportée chez Monoprix! 

    Elle avait dans le fonds raison la cliente de mon disquaire DDD dans les années 70, en demandant l'intégrale des symphonies de Beethoven en coffret mais sans la 5e, la 8e et la une! Ici pour le moment tout sauf le 3e de la Walkyrie bon à effacer si on pouvait! 

    ACTE III - Tétralogie suite : Ou comment Siegfried rencontre BruBru au détour d'une planche!

    Après une petite interruption pour digérer le 3e acte raté de la Walkyrie, me voici de retour pour vous raconter les aventures de BruBru et Wotan chez Robert Lepage à New York! 
    Nous avons quitté BruBru à la dernière séance (non, pas chez Eddie Mitchell!) alors que papa furieux de sa désobéissance, l'a plantée sur un rocher en bois au milieux 
    des flammes en lui laissant vaguement l'espoir de faire une rencontre sans passer par facebook! Histoire de tenir le coup elle a piqué un long dodo ce qui la repose après ses 
    chevauchées planchastiques. 
    A la saison suivante nous voilà dans une caverne. En scène Mime le frangin d'Alberich. 
    C'est Gerhard Siegel qui joue le rôle. Il est aussi laid que possible, bourré de tics, se parlant tout seul. En un mot excellent. Une merveille. A l'entracte il explique qu'il a eu un infarctus lors de la production précédente! Chapeau la performance avec une telle fragilité! Le décor numérique est remarquable et donne vraiment l'illusion en 3D de la grotte, avec ses ustensiles de cuisine et de forge, le petit cours d'eau qui permet d'aller refroidir casseroles et épée. 
    Le papa de BruBru survient comme vous le savez et décide de jouer aux charades avec Mime qui manque d'y laisser sa peau. On n'est pas entrain de jouer au strip poker mais au Kill poker. Tu perds, j'te zigouille! Pigé mec?

    Survient Siegfried le fiston de Siegmund et Sieglinde. Je vous passe la longue discussion entre les deux personnages, l'un obsédé, (mais non, mais non, il est pas gay faut pas rêver; en plus avec un look pareil il aurait aucune occase, on a des exigences nous!) par l'idée de récupérer l'or et l'anneau pour progresser dans la vie et avoir un statut social digne de sa laideur, l'autre tout simplement ayant envie de voyager et de se trouver une nana si par chance il en passe une dans ce coin pour le moins isolé. L'espoir fait vivre! 

    Notre Siegfried incarné par Jay Hunter Morris ténor américain de 50 ans, au look de jeune loubard de banlieue est superbement crédible dans le rôle. C'est un mélange de Conan le barbare et de trader aux dents longues du style , "faux pas me marcher sur les pieds sinon ça va chauffer"! Peut-être que tout de même il fait un peu trop âgé pour le rôle comparé à son homologue Manfred Jung de la version Chéreau. Personnellement je n'aime pas beaucoup sa voix quelque peu rocailleuse (il a du prendre froid dans les courants d'air de la grotte qui sait!) mais c'est un chanteur de très haut niveau sans conteste, et un remarquable acteur. Le coté naïf du personnage ressort parfaitement. Il a pris le rôle deux ans auparavant par suite de la défection du chanteur distribué à l'origine. Il est originaire de Paris (Texas)! Il va se bonifier tout au long des deux autres actes et du Crépuscule. Et il a du mérite vue la rencontre finale qu'il fera!


    Au tableau qui suit nous suivons Siegfrounet le naïf aux dents longues et Mime en rando dans une forêt. Nous arrivons près d'une cascade; on retrouve Alberich qui rumine sa ruine et qui se retrouve face à Wotan, on apprend que Fafner est entrain de roupiller dans une grotte sous la cascade et veille sur son trésor après s'être déguisé en dragon. Pas idiot le mec! Ici encore l'illusion d'un véritable décor construit est absolument stupéfiante. Cascade et arbres semblent littéralement en relief tant l'illusion est parfaite. Le ruisseau qui prolonge la cascade a l'air vraiment de couler sur le sol de la scène. On voit des oiseaux voleter dans les branches des arbres, vraiment chapeau au décorateur et ses informaticiens! Fini le carton pâte de bien des productions de ce monument musical. 


    J'ai oublié de dire au passage que James Levine a été contraint d'abandonner la production suite à des problèmes de santé et a pris définitivement sa retraite , il est remplacé par Fabio Luisi qui ne s'en sort pas trop mal coté orchestre même si ce n'est pas encore une fois la finesse de l’exécution d'un Boulez ou d'autres grands chefs Wagnériens du passé. 


    L'illusion donnée lors du dialogue entre Siegfried et l'oiseau est également parfaite car l'oiseau, visiblement en image de synthèse, chante totalement synchrone avec la soprano qui lui prête sa voix en coulisse. On nous expliquera à l'entracte qu'en effet c'est la voix de la soprano qui donne les impulsions faisant se mouvoir le bec de l'oiseau!


    La scène avec le dragon n'est pas du tout ridicule, comparée au monstre en ferraille de Chéreau et Peduzzi. La cascade au moment de la mort de Fafner dégouline de sang et c'est en étanchant sa soif dans le ruisseau que Siegfrounet goutte le sang qui lui permet enfin de comprendre ce que l'oiseau veut lui expliquer. Pas besoin de prendre des cours de langue avec Wagner. L'acte s'achève évidemment par le meurtre de Mime qui commence vraiment à taper sur le système de notre héros; qu'est-ce que c'est que ce type qui dit une chose et pense et prétend ensuite dire le contraire!?  C'est que figurez-vous Siegfrounet sait lire dans les pensées de Mime! Il a un QI ce mec super cool! Vient enfin le départ de Siegfrounet à la recherche de sa nana. Les spectateurs ne laissent pas s'achever la partition pour applaudir! Faut être productif de ce coté non? 


    Arrive le troisième acte, après une discussion entre Wotan toujours en ballade, avec Erda, c'est la voyante de service style Mme Irinachkova Zablonskaïa (cherchez pas, elle est en liste rouge et pour cause, et pas dans Facebook) puis avec Siegfrounet qui lui casse sa lance/bâton de vieillesse, on passe à ce qui devrait être le sommet de ce troisième volet, la rencontre avec BruBru la rousse! 


    On ne sait toujours pas si on est sur un rocher ou sur un sol tapissé de feuilles mortes, le tout entouré de flammes mais bon, ce n'est pas cela l'important ici mais du point de vue décor c'est peut-être ce qu'il y a de moins réussi. 


    Notre Siegfried est transformé. Le merveilleux acteur/chanteur des deux actes précédents devient un glaçon malgré la chaleur du rocher à la seule vue de sa nana. Le même phénomène observé dans l'opéra précédent se produit. Mme Voigt incapable de donner la moindre expression à son jeu, donnant l'impression de ne pas savoir quoi faire de ses bras qui se transforment en un sémaphore comme du temps où les communications sur les champs de batailles de 14-18, ne passaient pas par internet, nous donne une Brünnhilde d'une indigence telle que l'on se demande quel pourrait être le cinglé qui tomberait amoureux d'elle. C'est lamentable!

    Comment voulez-vous que son partenaire puisse un instant lui aussi se transcender devant cela. On s'ennuie ferme, la scène paraît interminable, j'avoue avoir somnolé une partie du temps. N'en déplaise aux critiques des journaux américains, Déborah Voigt " is a total failure" dans ce rôle. On ne pouvait pas faire pire choix. C'est une véritable tâche dans cette production! 
    En fait on est confronté ici au problème permanent dans les productions en particulier au Met, on s'attache d'abord et essentiellement à la capacité vocale du chanteur et on néglige ses qualités d'acteur comme si cela n'était pas aussi indispensable à l'opéra. Cela donne des nullités dramatiques, des acteurs poteaux! Ah ça, ils savent gueuler et tenir une note jusqu'à ce que mort s'ensuive ou presque et certains spectateurs sont là fascinés tandis qu'ils chanteraient le Bottin mondain et ne s'en apercevraient même pas!  De temps en temps un miracle se produit comme ce fut le cas pour la Fricka de cette production qui était superbe dans l'opéra précédent car comme doit le faire tout chanteur, elle est allée chercher au plus profond d'elle-même les sentiments de désespoir d'une femme délaissée et trompée par son époux. Le Met nous a donné de même la chance de voir récemment Elena Garança dans une Carmen inouïe et cette même tragédienne me fit pleurer dans l'un des airs célèbres de Samson et Dalila lors de la soirée du Nouvel An à Vienne. Pas d'artifices vocal, les notes et l'émotion tout simplement, seule sur la scène et salle réunies de l'opéra de Vienne. Deborah peut prendre des leçons. 
    Mme Voigt a appris sa partition, son texte et n'a rien approfondi même si elle prétend le contraire. C'est du par cœur, style récitation à la Jacques Baudoin dans la table de multiplication! 

    Une standing ovation pour ça, NON! 

    ACTE IV - Le crépuscule des dieux ou le suicide de BruBru en pleine dépression!

     1-  Quand j'vous dis ma bonne dame qu'on peut plus s'fier à personne!

    Le crépuscule des dieux est le type même d'ouvrage qui est peut-être de trop ou presque, sans vouloir porter atteinte au talent incontestable de Wagner. D'ailleurs il suffit de se reporter au journal de Cosima pour prendre conscience des tourments du compositeur lors de sa conception. Il aura fallu 6 ans à Wagner pour composer ce seul opéra, le seul prélude et la scène des Nornes occupant la période de 1868 à 1870. L'œuvre est achevée en 1874.

    Il n'est nullement inconcevable que Wagner lui-même ait senti qu'il allait à de nombreux endroits se répéter. La boutade de Ann Russell dans son sketch de la tétralogie, prend toute sa valeur en ce qui concerne le prélude, car en effet les nornes nous refont faire pendant 20 minutes sur les 2h40 que durent le premier acte et le prologue, le résumé des trois opéras précédents comme si nous ne les avions pas vus alors que dans l'esprit du compositeur il est entendu que le spectateur viendra voir la tétralogie dans sa totalité ou pas du tout. Celle ci devant être donnée dans un intervalle de temps rapproché, généralement sur une semaine en mettant une pause de 24h entre chaque œuvre; aucun chanteur ne pourrait tenir le coup s'il devait chanter sur 4 jours consécutifs. L'idée selon laquelle on peut monter les opéras indépendamment l'un de l'autre n'a aucun sens. C'est un ensemble monumental que l'on doit donner dans son intégralité même si le compositeur a mis 30 ans pour le construire et le faire jouer intégralement; il était furieux contre Louis II de Bavière, son mécène qui n'en pouvant plus d'attendre et ayant les droits sur l'œuvre, prit sur lui de faire monter les deux premières journées bien avant la première de Bayreuth.

    Alors qu'en est-il de cet opéra dans la nouvelle production du Met?

    On a laissé Siegfried et sa pépé dans les bras l'un de l'autre, séparés d'environ 10m tout au long de la scène, à la fin de l'opéra précédent. J'exagère bien entendu, ils se sont faits quand même un gros "poutou" avant le baisser de rideau! Comment résister au charme ravageur de Jay Hunter Morris! Autant en profiter tant qu'on y est! Pas vrai mesdames?

    Le rideau se lève ici sur le prologue au cours duquel les Nornes, sont entrain de filer la corde du destin qui va se rompre marquant la fin de leur connaissance de l'avenir de l'humanité. C'est quand même la poisse quand on est voyante diplômée! Ben quoi fallait prendre un autre fournisseur de ficelles les meufs!! Le décorateur de la production a particulièrement bien réussi cette scène en faisant de la corde une sorte d'arbre aux branches multiples qui semble évoquer le frêne dans lequel était enchâssée Notung l'épée que Siegfrounet a reconstitué. Mon fils m'a expliqué avec force détails que cette vision arboricole correspond parfaitement à celle de l'Edda. Ne me demandez pas comment, j'avoue ne rien avoir retenu de ses explications et des termes savants qu'il a utilisé. Il est fou de mythologie nordique alors....

    Siegfrounet arrive avec sa femme qui l'exhorte à partir à l'aventure tandis qu'il lui donne en gage de son amour l'anneau maudit. C'est pas sérieux de confier à une femme des objets de valeur de cette façon. C'est connu elles perdent tout!

    Serait-ce que la direction du Met ait fait la leçon à BruBru mais pour une fois elle a laissé son sémaphore en coulisse (pas ses bras rassurez vous) et semble vraiment s'apercevoir qu'elle a un partenaire qu'il faut regarder de face et non du coin de l'œil....Mais oh ciel, oh manie ennemie, ça ne dure pas longtemps et les mauvaises habitudes reprennent vite le dessus tandis que le prologue se termine face public .

    Suit alors sans interruption ni applaudissement (dieu merci, mais on pouvait s'attendre à tout..) le fameux voyage de Siegfrounet sur le Rhin (Siegfrounet am Rhein). Fabio Luisi a eu le temps de prendre ses marques et nous donne une interprétation de qualité de cette page sublime, dommage que visuellement on ait cru nécessaire de nous faire voir Siegfrounet avec un canasson en acier télécommandé qui dit oui et non de la tête grâce au mec de la régie! Ca n'apporte rien, c'est ridicule surtout quand le cavalier montre du doigt à son cheval ce qui se passe sur la rive/spectateurs! Il s'en fiche comme de son dernier boulon le canasson qui fait signe que oui de sa tête en ferraille!

    On devrait offrir aux acteurs et metteurs en scènes et même aux décorateurs, une édition brochée des conseils donnés par Louis Jouvet en matière de mise en scène: Tout geste , déplacement ou accessoire qui ne fait pas avancer l'action constitue une scorie dans une mise en scène ou dans le jeu d'un acteur. Nous sommes typiquement dans ce cas avec ce canasson ridicule et la présence du rameur non prévue d'ailleurs par le compositeur lui-même.

    Serait-ce que le cacheton de notre Siegfrounet est calculé pro rata temporis sur scène? Plus qu'j'y suis, plus qu'j'y gagne?

    L'acte 1 débute; patience mes petits y en a encore pour 2 plombes et vingt minutes!

    Nous voici chez Gunther Gibisch (Iain Paterson), avec son demi-frère Hagen Alberich-Gibisch (Hans Peter König) et sa sœur Gutrune Gibisch (Wendy Bryn Harmer). Ils sortent de table dans la grande salle à manger du château. Gunther se plaint d'être seul et désirerait une nana pour passer le temps et faire un peu crac-crac pour dégourdir...Oupsss!. Hagen lui suggère d'enlever BruBru en utilisant une potion magique (Je vous assure Harry Potter n'y est pour rien pas plus que Dumbledore ) qui rendrait Siegfrounet amnésique et lui permettrait ensuite avec le heaume de se faire passer pour Gunther, enfin je crois je sais plus qui se fait passer pour qui mais enfin il y a de l'échangisme dans l'air c'est sûr!. Vraiment le Hagen a de qui tenir, c'est pas pour rien qu'il a pour papounet Alberich! C'est Miss Gibisch qui verse le breuvage à Siegfrounet qui est arrivé entre temps et ne se doute de rien. La potion est à effet immédiat, il tombe amoureux fou de Gugu et jure sur son sang d'aider Gunther à se faire BruBru dans les plus brefs délais. Le spectateur attentif et pas trop loin de la scène,(y a quand même 3800 places au Met) remarquera une aberration dans la mise en scène, Siegfrounet a confié à Hagen son épée et son heaume! Quelle imprudence quand on sait le mauvais esprit génétique de la famille d'Alberich!

    Après de longs serments en se tailladant les poignets, ça fait plus mâaale, les deux amis s'en vont chez BruBru.

    On remarquera au passage que lorsque la barque de Siegfrounet apparaît il a oublié de prendre son cheval avec lui! Je pinaille, je sais mais elle est où la scripte? Elle figure au générique et touche son cachet pas pour rien faire, non mais!

    Retour au rocher. BruBru médite. Si, si j'vous assure c'est une intellectuelle BruBru,  et tout à coup elle entend un jingle qui lui rappelle ses soeurs. Non, elle ne s'est pas trompée c'est sa sœur Waltraute qui vient lui faire un p'tit coucou!

    La frangine est pas là par plaisir; d'abord elle désobéit à l'interdiction du droit de visite de papounet Wotan et en plus elle n'est pas porteuse de bonnes nouvelles. Elle veut récupérer l'anneau source de tous les maux pour le rendre aux filles du Rhin. En quelques mots de plusieurs minutes elle explique, je cite:

    "Tu comprends ma chérie, maman n'a plus les moyens d'aller se faire lifter, papa a cassé sa lance à cause de ton mec, Freia a la flemme de faire pousser et de cueillir les pommes! C'est la Cata! Ca peut plus durer et tout ça c'est ta faute parce que tu garde des bijoux qui t'appartiennent pas, tu es une recéleuse, tu m'entends! Une recéleuse d'objets volés! C'est pas joli, joli!"

    Ca se crêpe carrément le chignon entre frangines et Waltraute s'en va dégoûtée sans rien avoir récupéré.

    Waltraute c'est la superbe Waltraute Meier; quelle chanteuse, quelle tragédienne. Elle réussit le tour de force de booster BruBru Voigt qui tout d'un coup a du répondant. C'est sans doute la première fois depuis la Walkyrie que Mme Voigt est crédible, a l'air de croire et de penser ce qu'elle chante. Elle a visiblement oublié ses soucis de ménagère jet-set, le butler saura bien se débrouiller tout seul pour préparer l'after au retour de la patronne! La scène est superbe de vérité, du grand art!

    On arrive à la fin de l'acte, Siegfrounet/Gunther arrive en douce, faut le comprendre avec le heaume sur la tronche (il l'a repris en partant), descendre sur le plan incliné des planches amovibles, c'est pas de la tarte. Un coup à se tordre les chevilles! Il annonce à BruBru qu'il va l'emmener dans sa chambre (si vous, vous savez où se trouve une chambre sur un rocher, merci de me donner le tuyau, moi j'ai pas trouvé!) et qu'il va faire une partie de crac-crac avec elle et comme elle résiste, "non mais je suis pas celle que vous croyez mon bonhomme, j'suis mariée moi, j'suis pas une femme facile, et puis là j'ai un anneau et gare si vous m'touchez!", il lui arrache l'anneau du doigt (vraiment pas courtois le mec! quelle éducation!). Toute penaude, BruBru en larmes ( Mme Voigt cligne des yeux tant et plus mais les larmes viennent pas, faudra mettre des gouttes ma chérie!) va dans sa chambre, elle seule sait où elle est, tandis que le mec masqué enlève son heaume: Ca alors c'est Siegfrounet! Dors'je ou rév'je, qu'asperge???

    Il jure de mettre l'épée entre lui et BruBru, paraît qu'ca empêche de faire crac-crac quand c'est pas permis!? Vous saviez ça vous? Moi pas, mais comme j'ai pas d'épée! Je demanderai à mon fiston, il en a une superbe médiévale, pendue sur un de ses murs, cadeau payant de Blizzard pour leur jeu vidéo " World of warcraft". On sait à qui on a affaire!

    Et le rideau tombe. Ouf! 2h40! Ca creuse, on file au restaurant du Met au 1er étage et on reviendra demain vous racontez la fin (non pas la faim!). Bonne nuit!

    2 - BruBru et la Vendetta Gibisch

    Me voici de retour pour le second acte. Nous avons laissé BruBru affolée dans les bras du FauxGuntherVraiSiegfried qui va la dresser à la sauce Gibisch (Oups! Je sais c'est facile, mais il ne fallait pas que Wagner me donne l'occasion d'un tel jeu de mot! Pardon Maître!).

    Hagen est seul dans la grande salle du château quand Alberich survient.

    Lepage nous gratifie ici d'une de ses idées de génie ou plutôt c'est son décorateur qui nous fait ce cadeau. Je n'avais pas décrit le décor précédemment, je corrige cet oubli. Les grands pans de bois verticaux servant d'écran de projection reçoivent une image faite de cercles concentriques de couleur dorée. Ceux-ci sont animés changeant de tonalité selon une périodicité que je n'ai pas encore vraiment comprise. Ce doit être en fait la musique elle-même qui anime le décor. C'est génial.

    Ici au second acte l'on est dans une atmosphère allant du bleu à l'acier bleuté. La variation des rayons des cercles est telle que l'on a l'impression que le support est en trois dimensions se rétrécissant vers le fonds de la scène comme un entonnoir. Au premier acte tout paraissait plat et faisait penser à la coupe transversale d'un tronc d'arbre, sorte d'allusion au frêne de la Walkyrie. Ici on pourrait plutôt penser à la descente dans le royaume d'Alberich, une sorte de descente aux enfers. Cela ajoute à la tension et à l'ambiance sordide et sinistre de la scène.

    En résumé, Carl Fillion et Robert Lepage se servent du décor comme d'un leitmotiv supplémentaire à ceux de Wagner. C'est une idée de génie.

    Hagen coté cour, est appuyé sur un haut bouclier; Alberich entre par le fond avec son visage simiesque et rappelle à son fils qu'il doit récupérer l'anneau et l'or, ponctuant son discours d'un "Hagen Shlafts du mein Sohn". Pince-le mon grand et tu verras bien! Ce qui lui tord la bouche et le rend encore plus monstrueux; Eric Owens est ici encore plus effrayant qu'avant. On n'a pas envie de se coltiner avec lui au coin d'un bois! Hagen répond dans une sorte de sommeil hypnotique qu'il a tout prévu et que ça marche comme sur des roulettes!

    Alberich sorti, Hagen sort de sa léthargie, et appelle les vassaux de Gunther. La encore superbe transformation à vue du décor. Une partie des planches se redressent laissant apparaitre dans la partie inférieure des statues qui doivent être celles des dieux Fricka, Wotan et sans doute Loge de gauche à droite. Les planches redressées perpendiculaires au mur vertical, servent de plancher aux gardes en faction à l'étage supérieur. L'atmosphère est revenue à l'or, rappel permanent de la quête de Hagen et d'Alberich. Les chœurs du Met sont absolument superbes et cette scène précédent l'arrivée de nos héros est splendide du point de vue sonore. Fabio Luisi maîtrise totalement les couleurs de la partition et nous donne un véritable feu d'artifice sonore. 

    Hélas BruBru arrive. Dans le fond elle n'a pas l'air d'être trop de mauvais poil la nana. Elle titube bien un peu, mais bon c'est pas vraiment ça, c'est pas évident de prendre une démarche pareille quand on se sent pas dans le coup. Chacun se dit bonjour, ça va, t'as fait bon voyage, pas trop picolé en route, non bien, prends un siège et.....Non je ne vous le ferai pas le coup de Cinna!

    Evidemment comme elle a du texte, BruBru doit le dire et en principe avec le bon état d'esprit. Et bien non! C'est pas son jour! Elle chante, gueule un peu histoire de montrer qu'elle connaît bien la partition, mais ne peut s'empêcher d'afficher un visage radieux en reprochant à Siegfrounet de l'avoir trompée, de lui avoir pris l'or et tout ci et tout ça!

    Comment, mais comment peut-on être si nulle en termes de jeu pour ne pas pouvoir donner de la force, dans une scène pareille. Bon dieu, j'ai fait du théâtre amateur, je ne me prends pas pour un acteur professionnel, mais je sais me lâcher et mettre le ton de la colère ou de la tristesse, c'est même dans certains cas difficile de se contrôler pour garder le nécessaire recul pour ne pas sur-jouer. Contrairement à ce que croient certains spectateurs, on ne doit pas être DANS le personnage, mais être LE personnage et s'observer tout en jouant pour varier le ton et freiner ses transports. C'est d'ailleurs comme cela que vous pouvez en cas de besoin secourir votre partenaire en cas de blanc .

    Ici il n'y a rien, c'est le vide total alors qu'elle a en face d'elle un Hagen et un Siegfrounet des plus convaincants. Gugu elle aussi avec son peu de texte l'est aussi. Chez Gunther c'est pas génial par contre, je ne jurerai pas qu'il n'y ait quelques fausses notes au passage. Il est dans la moyenne sans plus.

    Quand tout le monde est sorti pour se préparer pour les noces des deux couples, - attention ne vous mélangez pas les pinceaux: Siegfrounet+Gugu d'un coté, Gunther+BruBru de l'autre! - reste en scène Gunther, BruBru et le méchant Hagen qui savoure sa vengeance. Il a fait jurer l'ancien couple sur sa lance qu'ils étaient francs du collier, et qu'en cas de parjure c'est lui qui apporterait l'addition!

    Gunther ici est perplexe, car il sait bien lui que tout ça c'est manigancé à coups de filtre et je te tiens, tu me tiens par la barbichette, etc... Hagen lui ôte ses scrupules et la BruBru qui parle toujours trop et sans réfléchir, dévoile que le point faible de Siegfrounet c'est son dos car de face on résiste pas à ses mirettes bleues acier comme Notung!

    La suite de la noce arrive et tout notre petit monde s'en va tandis que le rideau tombe sur le second acte. 

    3 -  Le pauvre défunt est trépassé et BruBru se suicide. Snif! Snif!

    En dépit de ce titre rigolard, je vais devenir sérieux comme au début de cette série de mails (Oups! de courriels, ca va content les protecteurs de la langue française?). Pourquoi?

    Tout simplement parce que Robert Lepage et Carl Fillion ont signé ici pratiquement un sans faute en termes de mise en scène et de réalisation visuelle. C'eut été un sans faute intégral sans Mme Voigt qui n'en déplaise à un public hystérique reste jusqu'au bout dénuée de la moindre sensibilité. Son visage hilare devant le corps de celui que soit disant elle pleure, est la démonstration parfaite de son incapacité totale à être à la fois une grande chanteuse mais aussi tragédienne. Il ne suffit pas encore une fois d'avoir une voix, faut-il aussi savoir être une tragédienne ou une comédienne selon l'œuvre que l'on joue.

    Non messieurs ou mesdames les prof de chant il n'y a pas que les notes dans une partition! Il y a un texte, une action dramatique et que cela vous plaise ou non vous avez l'obligation absolue et incontournable de faire en sorte que vos poulains et vos pouliches soient capables d'exprimer des sentiments aussi bien par leur voix que par le geste, et leur visage.

    Si Agnés Letestu, danseuse étoile de l'Opéra de Paris, a pris des cours de théâtre avec Jean-Laurent Cochet ancien de la Comédie Française avant de danser le Lac des Cygnes, ce n'est pas pour rien!

    Si Mme Voigt n'est pas capable de pleurer en scène quand l'action l'impose, qu'elle aille faire un autre métier. Qu'elle visionne les documents filmés, rares hélas, de Maria Callas, ceux de Kiri Te Kanawa en particulier à la fin du premier acte du Chevalier à la rose de Strauss dans la production du Covent Garden à Londres. Voilà une tragédienne capable d'exprimer le chagrin au point de fondre en larmes et d'en laisser une couler sur sa joue tandis que le rideau tombe.

    Je n'ai pas besoin de commenter ce dernier acte tant il est quasiment parfait et respecte en tous points la volonté de son auteur. Tout y est, sans artifice, relectures stupides de metteurs en scènes n'ayant rien à dire sinon de nous abreuver perpétuellement de leurs problèmes sexuels et autre fantasmes politico-socio-économiques et qui ont décidé souverainement que nous spectateurs qui les faisons vivre, n'avions pas le droit de rêver dans une salle de spectacle ou de rire selon le type d'œuvre que nous y voyons.

    Je ne citerai pas de noms mais il n'est pas difficile de les deviner à travers mes propos. Le premier responsable de ces dérives est le directeur général des opéras de la planète. Il n'a pas le courage de dire non à cette bande d'incapables qui polluent nos scènes. Il y a aussi les chanteurs qui acceptent tout, au risque de se rompre le cou en scène comme ce fut le cas si mes souvenirs sont bons pour June Anderson dans je crois la production des Puritains à Bastille, il y a quelques années et qui se déroulait dans un gymnase! Allez savoir pourquoi?.

    L'opéra de Paris nous a donné la chance sous Rolf Liebermann, d'avoir les plus beaux spectacles de la planète de 1973 à 1980 en dépit des grèves d'un personnel ne respectant pas les artistes et le public et grâce à la volonté de fer de son directeur. Depuis plus de trente ans on redonne les Noces de Figaro dans la sublime production de Strehler qui n'a pas pris une ride; nombre de ces spectacles furent donnés en direct, en simultané avec France Musique. Qu'attend la direction actuelle pour les faire restaurer, les documents doivent certainement se trouver à l'INA et les moyens actuels permettent de tout faire en matière de restauration audiovisuelle.

    Que fait-on à Paris? on produit un Ring de M....e  couteux et véritable trahison pour le bicentenaire d'un des plus grands compositeurs du XIXe siècle. Avec Berlioz et Liszt il a ouvert la porte à la musique contemporaine des Berg et Webern, des Strauss, Prokofiev et bien d'autres.

    Paris à donné en 1979 la première du Lulu intégral de Berg dans une production signée Chéreau, Boulez, Peduzzi dont on n'a aucun dvd à ce jour, véritable scandale s'il en est.

    Quand va-t-on comprendre que pour progresser dans la vie et dans l'art en particulier, on se doit en tout premier lieu de regarder ce que nos prédécesseurs ont fait de mieux que nous. C'est aussi cela la mission d'un opéra qui se dit populaire en faisant payer 180 euros des places si on ne veut pas se pointer avec un télescope pour voir le jeu des acteurs! C'est d'ailleurs ce que fait depuis des décennies le Met avec ses retransmissions en direct et ses dvd. En ce qui concerne Paris on peut compter sur les seuls dix doigts des  deux mains ce genre de transmission du savoir faire de grands et sérieux artistes. Quelle honte!

    Pour conclure, une partie de la presse a descendu en flammes la production actuelle du Met, en général les commentateurs qui les font, ne sont même pas capables de lire une partition et se donnent des airs de connaisseurs en utilisant des termes qui font savant. Les pauvres hommes comme dirait Molière!

    En dépit de ses défauts et de mes critiques, je le reconnais souvent méchantes que je fais ici, ces 4 spectacles méritent largement de figurer parmi les plus belles réalisations faites à ce jour pour la Tétralogie de Richard Wagner. Robert Lepage et son équipe ainsi que la direction du Met ont fait un pari colossal et l'ont gagné à juste titre. Ils ont enfin réalisé ce que Wagner voulait qu'on fasse de son œuvre alors que lui n'en avait pas les moyens techniques à son époque. En quelque sorte Wagner a été le Jules Vernes de la mise en scène!

    C'est  le plus bel hommage que le monde du spectacle et de la musique pouvait lui rendre pour ses 200 ans.

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mardi 12 Janvier 2016 à 22:34

    Bon je lirai ça à tête reposée quand je l'aurai tiré.

    Merci pour les envois et bises.

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    2
    Dimanche 16 Août 2020 à 16:49

    Très bon article, merci pour ce partage !

    3
    marie
    Vendredi 29 Juillet 2022 à 12:41

    Méchanceté certainement pas mais une insolence décapante que votre connaissance approfondie de l'oeuvre vous permet.
    Bravo, une lecture souriante et pour moi instructive car on vous suit même sans avoir votre érudition.

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