• Je viens de trouver cet extraordinaire production de l'Or du Rhin de Wagner mise en scène par l'Opera National de Chine.  Sans doute les puristes trouveront-ils que les personnages de Wagner ont eu des problèmes d'ADN qui les font plus ressembler à des êtres des légendes de l'Empire du soleil qu'à celles de l'EDDA, mais les voix sont là, la mise en scène est efficace et les chanteurs savent jouer avec conviction quant au décorateur, alors là chapeau!

    Enfin le metteur en scène a non seulement lu à fond la tétralogie mais également les autres livrets du compositeur et on sera heureux de voir qu'il établit une véritable filiation entre le Vaisseau Fantôme et le début de l'Or du Rhin qui est ici magistralement produit. Une mise en scène non minimaliste et non empreinte de laideur comme les opéras d'Europe voire d'outre atlantique nous donnent depuis plusieurs années à commencer par le saint des saint: Bayreuth!

    Il y a des gens qui savent apprécier le beau visiblement, ça donne un peu d'espoir pour le futur, qui sait on peut toujours rêver....

    A voir dans sa totalité; dommage que la prise de son de l'orchestre  soit médiocre pendant le prélude et les interludes..


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  • Article de Gilles-William Goldnadel dans Figaro-Vox du  08/01/2018 :

    «Ce n'est pas seulement Bizet qu'on assassine»

    "Merveilleuse nouvelle pour les femmes, mais moins bonne pour leurs porcs: Carmen ne meurt plus assassinée, car elle donne la mort au postfranquiste Don José.

    Par décret directorial du théâtre de Florence, le metteur en scène Léo Muscato a décidé de modifier la fin tragique de la belle cigarettière gitane.

    En effet, selon le directeur directif et de progrès du Teatro del Maggio: «à notre époque, marquée par le fléau des violences faites aux femmes, il est inconcevable qu'on applaudisse le meurtre de l'une d'elles».

    La même hystérie vengeresse s'est abattue sur le pays à partir de l'affaire hollywoodienne et ses frasques weinsteiniennes.

    Je passe, hebdomadairement, mon temps à écrire assez invariablement dans ces colonnes que l'époque est dangereusement névrotique. Depuis la rentrée de septembre et les hystéries électroniques venues de l'Atlantique, je décris désormais un effet d'emballement.

    Les émeutes estivales de Charleville et les destructions de statues de généraux sudistes ont traversé l'océan et fait des émules jusque dans Paris où l'on a exigé la mise à bas des suppôts d'esclavagistes Colbert et Dugommier.

    La même hystérie vengeresse s'est abattue sur le pays à partir de l'affaire hollywoodienne et ses frasques weinsteiniennes. Non seulement un porc français est publiquement balancé chaque semaine par-dessus bord, mais plus gravement, le discours public est révisé et sévèrement corrigé.

    C'est dans ce cadre rien moins que rationnel que j'ai été conduit à plaindre avant les fêtes le sort réservé à un humoriste du nom de Tex, congédié comme un malpropre - et dans l'indifférence - par le service public audiovisuel pour avoir osé faire de l'humour noir sur une femme imaginaire, l'œil au beurre assorti.

    Pour ceux qui viendraient à douter de ce que la tragi-comédie de Carmen se situerait dans ce strict cadre révisionniste, la lecture d'un article sans état d'âme publié ce 5 janvier de l'an nouveau sur le site de France Culture est riche d'enseignements. Notamment, les déclarations approbatrices d'Olivier Py qui, comme chacun sait, siège comme un pape de la culture de progrès en Avignon.

    À la question, effectivement assez pertinente, peut-on changer la fin d'un opéra datant du XIXe siècle? l'homme qui se vante d'avoir déjà réglé son compte à Don José dans une adaptation pour l'opéra de Lyon en 2012, répond doctement: «dans la version que j'ai faite à l'opéra de Lyon, Carmen ne mourait pas non plus, elle se relevait et partait, comme si le geste de Don José n'avait pas été un geste mortel, elle l'abandonnait à son sort.»

    Puis ce décret moralisant pour l'avenir: «je pense qu'il y a dans certains opéras du XIXe, une manière de traiter les personnages féminins, qui, dans certains cas, n'est plus acceptable aujourd'hui. Je peux donc comprendre que l'on propose une autre fin»

    Pour persuader encore le sceptique que l'œuvre de révision féministe radicalement engagée est à relier indissociablement au gauchisme culturel de toujours, celui-ci sera sans doute édifié d'apprendre que Léo Moscato à Florence, tout à son ardent désir modificateur, a également transposé le récit dans un camp de Roms des années 80 occupé illégalement par des forces de l'ordre en tenues antiémeutes: «Carmen, qui travaille dans une manufacture de cigarettes voisine du camp, est soumise aux coups de matraque répétés de Don José, un policier irascible et violent» (le Monde du 5 janvier).

    Halte là! On ne passe plus les gitanes à tabac. Seulement les policiers.

    À coups répétés de boutoir, la bêtise idéologique hystérique, en majesté médiatique, est en train de rendre fou, à lier, l'univers intellectuel et culturel occidental.

    Ainsi, en prononçant la peine de mort contre Don José, l'homme de théâtre de progrès ne supprime pas seulement un mâle espagnol trop dominant, mais aussi un flic fascisant.

    En collaborateur zélé des démiurges de progrès qui veulent désormais réviser la culture aujourd'hui inacceptable d'un passé dépassé, je propose avec empressement les modifications suivantes:

    L'ouvrière Fantine, acculée misérablement à la prostitution, plutôt que de mourir de faim pourrait, en un geste de révolte féminin autant que citoyen, étrangler l'homme Javert de ses deux pauvres mains.

    Dans la liste de Schindler, Spielberg, sévèrement chapitré, ferait pendre à présent les SS d'Hitler par des juifs en colère.

    Je propose, encore plus définitivement, qu'à la fin, ce soit le méchant qui meurt. Donc l'homme, le policier, plutôt européen.

    De manière plus générale, je suggère que l'on impose moralement pour tous les-crèves-la-faim, une meilleure fin.

    Mais, trêve de persiflage. À coups répétés de boutoir, la bêtise idéologique hystérique, en majesté médiatique, est en train de rendre fou, à lier, l'univers intellectuel et culturel occidental.

    Ce n'est pas seulement Bizet qu'on assassine, c'est tout simplement la raison.

    Gilles William Goldnadel"

     

    Il serait en tous cas juste de la part de l'auteur de l'article de ne pas mettre comme photo la prise de vue lors d'une des représentations du Met de New York avec Elena Garanca dans le rôle titre.

    J'ai la vidéo et désolé cette production est mise en scène par Richard Eyre et montée en 2010.

    C'est sans doute la plus extraordinaire Carmen jamais vue en dehors de Callas dans l'enregistrement audio qui hélas n'a pas été gravé en vidéo. Don Jose lors de la diffusion par MEZZO était hélas interprété par Alagna toujours aussi inexpressif dans le moindre sentiment et il est bien dommage que l'on ait pas eu à sa place Kauffman qui alternait avec lui en 2015. Garanca a tout pour jouer ce rôle, le physique, la sensualité débordante pour ne pas dire sexualité, la voix. La scène de la Habanera du 1er acte à elle seule vaut le détour et la photo de cet article correspond pratiquement à la fin de la scène d'ailleurs avec ici Keith Miller jouant le rôle de Zuniga.

    Cela dit monsieur Goldanel a raison de déplorer les fantaisies scandaleuses des metteurs en scène actuels à de rares exceptions. Les spectateurs s'ils veulent faire cesser cette pratique n'ont qu'à quitter la salle ou ne pas acheter de places. Quand artistes et directeurs d'opéra se retrouveront devant des salles vides peut-être réfléchiront-ils à deux fois avant de confier à des charlatans en mal de scandale et publicité le soin de monter des chefs d'oeuvre du lyrique comme du théâtre d'ailleurs.


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  • Voici un excellent article d'AndréTubeuf qui devrait en faire réfléchir plus d'un, du ministre de la culture au dernier des soit disant acteurs ou chanteurs d'opéras en passant par leur soit disant metteur en scène. N'est-ce pas Mme F....W....grande experte en démolition du théatre classique, tel que j'ai pu l'observer lors de votre cours où j'eus la sottise de m'inscrire, mais comme on dit et pour paraphraser, "on ne saurait des ans palier l'irréparable outrage....

    La trêve des confiseurs par André Tubeuf (source: https://www.qobuz.com/fr-fr/blogs)

    20 décembre 2017

    C’est ainsi qu’on appelait autrefois l’espace de temps laissé vide et creux entre les deux Réveillons, l’un familial et festif, celui de Noël, l’autre plus mondain et convivial, celui de la Saint Sylvestre. À l’un comme à l’autre, pareillement bonbons et confetti, et gourmandises. Il fallait bien entre temps, laisser aux confiseurs le temps de souffler (et aux estomacs un temps de bouillon de légumes). Qobuz fera un peu la sienne, on aura bien vu à l’Opéra-Comique le Comte Ory, dont on se fait une fête à l’avance (le plus irrévérencieux et leste, le plus justement parisien des Rossini), on vous racontera cela… l’an prochain.

    On ne va pas rester en tête-à-tête triste avec soi-même pour autant. On se souvient du temps où la radio était seule compagnie, seul entretien, pour peu qu’un vent de neige soufflât dehors, et qu’on se blottît frileusement autour du feu, chez soi. Les plus grands acteurs, les mêmes qui paraissaient régulièrement à l’affiche des douzaines de théâtres que Paris comptait alors, Comédie Française comprise, se répandaient aussi sur les ondes. Combien de soirs le théâtre radiophonique aura été interlocuteur privilégié, et bienvenu, de ceux qui ne sortent pas. La merveille est que tout cela n’ait pas définitivement disparu, malgré le caractère éphémère qui fait à la fois la beauté et la misère de ces voix qui touchent, nous habitent, pourraient nous hanter, mais dont un simple souffle de vent, ou une autre voix, suffira à effacer la trace. Le miracle du disque a maintenu vivantes et agissantes des voix depuis longtemps éteintes, que ce soit Sarah Bernhardt ou Caruso, nous suggérant un peu de l’effet émotionnel, l’impact qu’on sait par mille témoins qu’ils ont produit dans la réalité. Et le disque est devenu lieu de mémoire, culte absolument.

    On ne sait pas assez que bien des trésors du théâtre français et des voix qui le servirent si bien sont encore accessibles aujourd’hui. L’INA existe, lieu de patrimoine phénoménal, et d’autant plus que les pratiques du théâtre se sont mieux que modifiées, métamorphosées depuis ces premières années 1950 dont nous retrouvons les façons intactes, et d’abord les voix souveraines, avec une présence sans images délibérée, d’autant mieux faite pour produire son effet par la seule voix. Et quelles voix ! Et quel usage princier de la diction, d’un naturel factice et supérieur, celui même qui fait que les alexandrins, fabriqués comme ils sont, nous paraissent ne s’exhaler et se dévider que selon l’inspiration (et la respiration) qui les modèle ! Sait-on qu’en ces années 50 toute une sélection de pièces de Shakespeare fut ainsi programmée et il n’y a pas besoin de voir le Marc Antoine du prodigieux Aimé Clariond dans Coriolan ni Maria Casarès en Portia du Marchand de Venise pour qu’un théâtre magique, et combien plein de présence(s) se dresse aussitôt en notre seule oreille !

    Nostalgie douloureuse pourtant. En notre temps où si peu de voix portent et d’elles-mêmes, de par le timbre et la projection, se distinguent (même au théâtre lyrique), quel réconfort, mais quel sentiment de perte aussi, en écoutant la simple pochade en vers (toute en brièveté, en esquisse) qu’est À quoi rêvent les jeunes filles, du Musset. Les jeunes filles ici, ce sont, une génération géniale en rejoignant une autre, Renée Faure, l’aînée, Jeanne Moreau, la cadette. Des timbres, des dires, un sourire dans la voix : une magie. En cherchant plus loin en arrière, on accèdera à la totalité du Soulier de satin, captée en un temps qui pouvait se dire que la pièce resterait injouable. On est en 1942, l’émission procède très officiellement de ce qui se nomme alors ‘Etat Français’, le texte est intégral sans les coupures qui, l’an d’après, le feront jouable. Jean-Louis Barrault est déjà Rodrigue et Madeleine Renaud Dona Musique, mais c’est Eve Francis, glorieuse créatrice claudélienne de L’Otage, qui est Prouhèze (ce sera Marie Bell en 43) et, merveille, la 4e partie, Sous le vent des Iles Baléares est là, et c’est Madeleine Renaud, reconnaissable entre mille, qui crée Dona Sept Epées, qui ne verra les feux de la rampe qu’un quart de siècle plus tard. Cherchez encore, voici un Hussard sur le toit découpé pour la radio selon les conseils de Giono lui-même, parfaitement raconté et où les deux protagonistes, Angelo et l’évasive et miraculeuse Pauline, sont dits, incarnés au plein sens, par Gérard Philipe et Jeanne Moreau.

    On verra ce qu’on voudra de la Comédie Française, où pointent déjà un Charon et un Hirsch, mais où Seigner, Jean Piat, Descrières paraissent constamment : et que vive Molière ! Il y eut grande rivalité alors entre la Maison de Molière et le TNP où, depuis Avignon, Jean Vilar changeait un peu la donne. Et quelle instruction de comparer deux Cid ! L’un, très prodigieusement dit et projeté par d’absolus professionnels de l’alexandrin, porte par la seule présence du son, malgré la relative modestie des protagonistes, l’excellent André Falcon n’étant pas un durable rival pour Gérard Philipe à la conquête du monde. Mais, loi souveraine du théâtre : ce juvénile Cid de Philipe est empli de gaucheries, de ce qu’on pourrait appeler essais de voix : et l’alexandrin ne lui sera jamais patrie naturelle. En revanche, dix ans plus tard, dans Musset c’est un prodigieux professionnel du dire qui, d’une voix pleine d’inventions qui sont des réussites, nous fera revivre Les Caprices de Marianne ou On ne badine pas avec l’amour. Etonnant temps de théâtre où Molière, Racine et Corneille avaient déjà les formidables serviteurs (et en troupe) qu’aujourd’hui ils n’ont plus, et où Musset et Marivaux s’inventaient les leurs !

    La télévision balbutiante s’y est vite mise, naturellement, y ajoutant l’image, qui est une présence concurrente (celle de la voix marchait à 100%, elle suffisait), avec les plus belles justifications culturelles qui soient. On sait que l’outil avalera son maître, et s’en ira tout seul à ses propres fins, qui sont publiques, et pas éducatives ni culturelles. On ne chicanera pas cette image encore gauche, ces gros plans de visages sur fond de décors fixes. Mais merci si l’image ressemble à la voix, si les deux se compètent ! L’INA aurait sa raison d’être, ne nous eût-il conservé que Bérénice, le Racine le plus beau sans doute et le plus pur, qui pourrait avoir été écrite pour le seul amour de la langue et du bien dire. On y voit un René Arrieu, Antiochus à briser le cœur dans sa sobriété douloureuse ; Jacques Dacqmine donner pleine force à un Titus vraiment empereur, et qui sait très bien à quelle autre passion, l’Empire, il sacrifie l’amour. Et Silvia Monfort, merveille de geste et de mouvement, voix rauque aux reflets mordorés, dont un legato de violon mozartien vient juste là où il faut calmer, civiliser la sauvage véhémence. Entendre un tel trio dire de tels mots ! « Dans un mois, dans un an, comment souffrirez-vous / Seigneur, que tant de mers me séparent de vous… » « Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez… » Pas seulement Titus : mais nous, pleurant une époque révolue, celle que les plus vieux d’entre nous ont connue vers leurs vingt ans, et qui semble si loin que l’exemple même s’en trouve perdu. Et pleurant tout court, oui, pleurant, tant Racine bien dit conserve ce pouvoir là… Trêve de théâtres, et de sabots de Noël. Eh bien, installons-nous, abonnons-nous à l’INA. La richesse, la vérité, l’exemple sont là, vivants.

    La trêve des confiseurs

    Oui comme l'écrivait ce matin un ami ancien DRH de Paribas du temps de sa gloire, "les archives recèlent suffisamment de trésors pour qu'on puisse ignorer les prétentieux nullards d'aujourd'hui."

     

     

     

    A nouveau Bonne année à tous mes lecteurs


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