• Savoir dépeindre un grand fait historique alors qu'on est un professeur émérite dans le domaine n'est pas une évidence surtout s'il s'agit de captiver l'attention du lecteur sans pour autant l'inonder d'un ton doctoral et de mots savants qui font bien dans les congrès ou dans les salons. 

    François Kersaudy fait partie de ses historiens à l'égal en France d'un Jean-Christian Petitfils ou d'un William Shirer aux USA qui savent se mettrent  à la portée de leurs lecteurs. Souvent les historiens professionnels issus des grandes universités et bardés de thèses s'en prennent-ils à des auteurs comme Petitfils ou Shirer car n'appartenant pas à leur corporation dès le départ, Shirer en fit l'amère expérience dès la sortie de son magnifique ouvrage sur le Troisième Reich ou sur la débâcle de la troisième république et pourtant le succès des ouvrages de ces deux derniers auteurs et ils ne sont dieu merci pas les seuls, tient non seulement à la qualité de leurs recherches mais aussi et peut-être je dirai surtout à cette capacité de se mettre à la portée du lecteur non spécialiste; ces écrivains sont quasiment nés pour faire aimer l'histoire aux plus réfractaires. Une affaire des poisons sous la plus de Petitfils prend la dimension d'un roman policier doublé d'un conte d'horreur à la Poe assaisonné d'un humour souvent ravageur.

    Kersaudy fait partie de ces rares professeurs d'histoire qui répondent à ce critère et rendent tous leurs ouvrages passionnant au point qu'on en oublie le temps qui s'écoule en le lisant et s'aperçoit tout à coup qu'il est largement passé l'heure d'aller se coucher en prévision du boulot du lendemain. Heureusement pour moi je n'ai pas cette contrainte et je peux rattraper par une large grasse matinée voire une longue sieste les quasi nuits blanches que ce conteur hors pair me fait passer!

    Avec cet ouvrage paru en 1987 et réédité en 2002 et 2012 Kersaudy  récidive en nous racontant par le menu les péripérties Franco-Britannico-Norvégiennes du début de la seconde guerre mondiale allant de septembre 1939 au 10 Mai 1940 jour du début de l'attaque Nazi sur les Pays Bas, la Belgique et la France dont on connait l'issue fatale.

    Je ne pense pas que si l'on interrogeait le lecteur moyen même intéressé par l'histoire de la seconde guerre mondiale, qu'il serait capable de résumer le pourquoi de l'opération alliée vers la Norvège et des péripéties qui s'ensuivirent aboutissant à un vrai désastre.

    Comme le dit en introduction Kersaudy "...on imagine volontiers les stratèges élaborant en secret un plan de guerre minutieux et sans failles, en présence de conseillers éclairés et après examen attentif de tous les éléments géographiques, militaires...On se plait à croire que , dès le début de guerre, l'imagination est au pouvoir, que les dirigeants, avec une grande hauteur de vue, ont déjà prévu toutes les éventualités et pris dans la concorde et l’unanimité les décisions qui s'imposaient..."

    Le livre consacré à l'opération en Norvège de 1940 par François Kersaudy va nous apporter une preuve concrête du contraire, de façon magistrale, dans un langage clair, précis, simple quasiment parlé faisant de nous son quasi auditeur plus que lecteur privilégié et cela rend doublement passionnante la lecture de ces 327 pages rééditées chez Taillandier dans la collection Texto dirigée par Jean-Claude Zylberstein.

    La lecture de ce livre est fascinante et l'on assiste au déroulement surréaliste d’événements qui laissent le lecteur pantois. Comment un Churchill a-t-il pu supporter le comportement débile, le mot n'est pas trop fort d'un Chamberlain incapable de se tenir à une décision plus de 24 heures . Cela ne vous rappellerait-il pas certain dirigeant actuel de notre pays???

    On assiste à des comportements que rien ne saurait excuser comme celui de ce généralissime des armées françaises qui oublie les documents secrets du Conseil suprême dans le fauteuil d'un hôtel de Londres, lequel est tenu par des Italiens les petits copains de Hitler !!!!

    Pire alors que du coté Allemand on envoie en Norvège un attaché commercial, en fait officier de l'Abwehr (service de renseignements allemand) qui fait son boulot rubis sur l'ongle, du coté français, on envoie l'attaché naval adjoint qui rend visite au commandant militaire de la place de Narvik, membre du parti Nazi norvégien, et qui lui demande les renseignements dont il a besoin, en lui expliquant que c'est pour préparer une opération alliée en Norvège, une opération ultra secrète!!!!

    En matière d'organisation les multiples reports ou annulations de certaines des opérations mises en oeuvre  pour porter secours aux Norvégiens attaqués sous un prétexte fallacieux comme d'habitude par Hitler aka Grippeminaud le bon apôtre, entraîne au moment des débarquements de matériel dans le nord ou le centre de la Norvège des situations qui seraient drôles si la période n'était pas aussi dramatique et tragique; ainsi les chasseurs alpins se retrouvent-ils avec des skis mais sans leur fixations!  On prévoit des manteaux de fourure d'une telle lourdeur et si encombrants que le malheureux soldat ne peut plus bouger une fois son barda sur le dos! 

    En fait Kersaudy aurait pu sous-titrer son livre de "la victoire fatale où la réalité dépasse la fiction".

    Livre remarquable dont on n'arrive pas à se détacher qui entraine des fous rire incroyables mais aussi une envie folle d'avoir certains des protagonistes sous la main pour leur flanquer des paires de claques pour les ramener à la réalité et à leurs responsabilités. 

    Chamberlain lors du débat qui se déoulera sur deux jours aux Communes les 7 et 8 mai 1940 essaiera de se justifier des énormités commises par son gouvernement dont il porte l'entière responsabilité depuis sa venue au pouvoir et tout principalement du comportement d'une lâcheté et traîtrise immonde vis à vis des Norvégiens qui eux-mêmes sont loin  de ne pas avoir aussi des responsabilités dans le désastre;  mais jusqu'à son propre parti se révoltera contre lui au point que Leopold S. Amery, ami du premier ministre et Privy Counsellor (Conseiller privé du roi), termina son intervention en lançant à Chamberlain la phrase suivante:

    "Vous avez siégé trop longtemps en ces lieux pour le peu de bien que vous y avez fait. Partez, vous dis-je et qu'on ne vous revoie plus, Au nom du Seigneur, partez!"

    Qui serait capable dans notre pays d'en dire autant au premier ministre ou au Président de la République actuel qui ont réussi en 5 ans à mettre notre pays à genoux? Dans le fond on pourrait en dire autant de tous ceux qui se sont acharnés sur cette pauvre république depuis le départ du général de Gaulle en 1969...


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